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Scienza e psicoanalisi
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Gli editoriali del Prof. Nicola Peluffo
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Libido et Caducité

Traduction de Liliane Salvadori

4 novembre 2001

Du 28 Juin au 4 Août 1914, l’Europe s’enflamme, s’affole. C’est le début de la Première Guerre Mondiale, la Grande Guerre. En 1913, le Maître avait passé une partie des vacances estivales à San Martino de Castrozza, qui faisait alors encore partie des territoires plus ou moins de langue italienne, situés dans l’Empire austro-hongrois.
1915: Après un an de guerre, les illusions que l’on pouvait avoir sur la pérennité des conquêtes humaines dans quelque domaine que ce soit, de l’art, de la science, de la morale, ont été perdues. Même les merveilles de la nature sont relativisées et tout ce qu’il se passe même à l’intérieur du mouvement psychanalytique international contribue à confirmer la caducité des formes naturelles et culturelles humaines.
C’est justement grâce à un court article sur la Caducité (Vergänglichkeit) que Freud offre sa contribution pour le volume comprenant entre autres le recueil «Das Land Goethes» publié sur l’initiative d’une association goethienne de Berlin.
Dans ce bref récit datant de 1915, il se base sur un fait qui lui est justement survenu au cours du mois d’Août en 1913 à San Martino di Castrozza au cours duquel, lors d’une conversation durant une promenade en compagnie de deux amis il avait traité le thème de la caducité des phénomènes, même de ceux qui en apparence sont fermement universels. 1
Le thème avait été introduit par un ami qu’il surnommait «le Poète» qui insistait sur la caducité et l’inutilité du «beau» et en particulier sur le caractère transitoire des phénomènes, Freud soutenait que ce fait était indéniable mais qu’il ne dévalorisait pas la beauté et disait : «La valeur de toute cette beauté et cette perfection est déterminée seulement par sa signification pour notre sensibilité vive et n’a pas besoin de survivre et pour cela elle est indépendante de la durée temporelle absolue».
Ces commentaires laissèrent indifférents les deux amis et Freud en conclut que l’opération de dévalorisation était due à une élaboration anticipée du «deuil», par exemple pour la perte inévitable de la beauté de la jeunesse.
L’être humain cherche à atténuer la jouissance de la beauté pour éviter la douleur que lui procurera sa perte, ce faisant il ne fait que passer dans cette vie et il ne s’aperçoit pas de sa perte. L’idée de la caducité est dérangeante.
C’est alors qu’il insère une définition de libido très simple mais très édifiante. Voilà ses paroles: «Nous considérons que nous possédons une certaine capacité d’aimer, que nous appelons libido, laquelle au début du développement s’adresse à notre propre Moi. Ensuite – en réalité très vite – la libido se désolidarise du Moi  pour se diriger sur des objets que nous accueillons pour ainsi dire dans notre Moi. Si les objets sont détruits ou si nous les perdons, notre capacité d’aimer (la libido) se retrouve libre.
Elle peut prendre d’autres objets de remplacement ou retourner provisoirement dans le Moi. Mais pourquoi ce détachement de la libido vis-à-vis de ses objets doit-il être un processus ainsi douloureux? Cela reste un mystère …. (omissis)…. Nous voyons seulement que la libido s’agrippe à ses objets et ne veut pas renoncer à ceux perdus et ce, même pas lorsque leurs “remplaçants” sont déjà prêts. C’est là donc que se manifeste le deuil. »
 
Nous ne devons pas oublier que cette note sur la caducité fut écrite en 1915 après un an de guerre. «Un an après, la guerre éclata et priva le monde de ses beautés».
Après quelques considérations concernant le deuil et sur le renforcement de l’investissement sur les objets restants le Maître écrit: «Nous savons que le deuil, pour douloureux qu’il soit, s’éteint spontanément. Si vous avez renoncé à tout ce qui est perdu cela signifie que lui-même était usé et alors notre libido est de nouveau libre (dans la mesure où nous sommes encore jeunes et actifs) de remplacer les objets perdus avec de nouveaux objets, de valeur égale ou plus précieux encore».
Se référant aux contingences de la guerre il exprime un souhait: «Il faut espérer que les choses ne s’aggravent pas – je parle pour les pertes provoquées par cette guerre. Une fois surmonté le deuil, nous découvrirons que notre haute considération des biens de la civilisation n’a pas souffert à la suite de la découverte de leur précarité. Nous reconstruirons tout ce que la guerre a détruit, peut-être sur des fondations plus solides et durables qu’auparavant ».
Nous sommes en 1915 et le Maître n’a pas encore découvert la compulsion à répétition et formulé la pulsion de mort, donc de ce point de vue il a encore une attitude «consolatrice». En 1938, malgré lui, il sera contraint à prendre acte que les pertes n’en finissent pas et que la Bergasse également entre dans la catégorie des entités passagères qui peuvent (et doivent) être substituées afin de continuer à vivre.

II

L’argument que je traite tout au long de cet article – parce qu’à mon avis il est d’actualité a été examiné, dans un article très passionné par Marie Bonaparte en 1955. Il fut publié dans la Revue française de psychanalyse (P.U.F., N° 3, juillet-septembre, 1956) sous le titre (en français dans le texte) : « Deux penseurs devant l’abîme ». Dans la première partie, Marie Bonaparte résume la note de Freud «Vergänglichkeit», dans la seconde elle fait part de ses considérations sur l’argument de la Caducité qui en français se dit également Fugitivité.
«Quarante ans se sont écoulés depuis que ces pages ont été écrites, et voilà que je les traduis au lendemain d’une seconde guerre encore plus féroce que la précédente et terrorisée à l’idée d’un troisième conflit qui, survenant grâce à  ”l’ère atomique” dans laquelle nous vivons serait encore plus dévastant».
Marie Bonaparte déclare se trouver en désaccord avec les paroles que Freud avait prononcées lors de sa conversation avec le poète durant leur promenade et pour renforcer son point de vue négatif déclare son opposition aux paroles que Freud lui-même avait prononcées durant une séance d’analyse: «Un jour, me dit-il, - Tout meurt, la pensée humaine, comme l’homme. La pensée survit 20 ou 30 ans et puis meurt à son tour -. Je répliquai que depuis plus de 3000 ans Homère se lit toujours! Donc, Homère devrait disparaître! Puis notre Culture, l’humanité et la terre?... Et Freud imperturbable répondit: - Pour quelle raison quelque chose qui émane de l’homme devrait durer alors que l’Univers entier périt ? - Interloquée par la qualité philosophique des phrases de Freud, lors d’une autre conversation je lui dit : - Ce que vous dites est beau mais triste - ! Et il répondit: - Pourquoi triste? C’est la vie. C’est justement son éternel recommencement qui rend la vie aussi belle -.»
Les considérations ultérieures de Marie Bonaparte sont très intéressantes mais selon moi ce qu’elle n’a pas saisi  ou peu, c’est la réelle signification de la nécessité de la disparition des objets.
Je pense que le Maître avait l’intention de dire que si les objets ne périssaient pas, la libido ne serait jamais libre et, pour le sujet il n’existerait rien de nouveau au monde, jamais. La disparition des objets est nécessaire afin que la libido, libre, en investisse (je voudrais dire en invente) d’autres et qu’elle créé «d’autres musiques» - d’autres relations dont les résonances marginales qui fuient vers le gouffre de la compulsion à répétition. La perte crée ce qui rend la vie plus belle après les synapses dans lesquelles on cueille l’instant de la création. Le reste demeure statique et attend pour disparaître.

III

Le problème de la viscosité de la libido et son cramponnement aux objets entrent dans la nature de la psyché qui est un organe de conservation et qui est l’expression fonctionnelle et structurelle de la pulsion de mort. C’est l’échec des destins de la pulsion de mort qui permet de répandre de l’énergie dans les mouvements, dans les formes qui constituent la matière et qui, comme dans le cas de l’homme s’autodiscipline par une reproduction sexuée. Cette énergie qualifiée, celle qui préside et maintient les phases qui aboutissent à la reproduction sexuée, est la libido. Non seulement, la libido englobe les objets mais elle les crée, comme elle crée les nouveaux êtres humains. La libido se matérialise au cours d’un coït qui donne naissance aux enfants mais également dans d’autres productions humaines: l’art, la religion, le langage, l’écriture, la science et toutes les autres créations y compris la psychanalyse! Certainement elles sont passagères à cause de leur nature intrinsèque, - certaines par contre durent plus longtemps parce qu’elles contiennent en elles une quantité énorme de degrés de liberté qui leur rend possible une adaptation continue au changement de situation, jusqu’à ce qu’une catastrophe gigantesque les élimine.

Dans ce cas, la «sensibilité vive» de l’être humain pourrait aussi ne plus être présente pour jouir des nouvelles formes structurelles mais si nous suivons la théorisation micropsychanalytique, de telles formes dans les manifestations du dynamisme neutre du vide continueraient à exister, – peut être diverses et les tentatives de même. Ce qu’il pourrait manquer serait la sensibilité qui les prévient à moins que plus tard, se reforme un organe psychobiologique ad hoc qui les enregistre et en conserve la trace.
Pour le mécanisme de la compulsion à répétition ce phénomène est très probable.
Voilà un parcours métapsychologique et spéculatif qui même s’il est fascinant isole de la procédure psychanalytique. Quelquefois, le mélange des indications de systèmes d’explication divers peut produire une métaphore utile au progrès de la science plus souvent cependant il peut créer des chimères.

© Nicola Peluffo

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Note:

1 v. S. Freud , Opere, vol . VIII, 1915-1917, pag. 169-176, Boringhieri Torino.

     
 

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