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Les interactions profondes entre nourriture et psyché : la Cliaquie *
Traduction de Liliane Salvadori
3 Janvier 2009
Chers Amis,
Lorsque jai été sollicité pour donner ma contribution à cette intéressante journée détude dédiée à la Cliaquie, durant un instant jai été perplexe. Il n'existe pas en effet une spécificité des composants psychologiques visés par la Cliaquie ; nous navons pas pour linstant des preuves évidentes dune relation possible et directe entre la maladie cliaque et la maladie mentale même en présence de cas cliniques qui signalent cette association. Mais lorsque je me suis pris à considérer que les symptômes des maladies cliaques rappellent des fonctions et traumas déposés dans la mémoire psychique je me suis rendu compte que j’aurais pu donner une contribution, j’espère significative, à ces travaux.
Il suffit de réfléchir sur le fait que le premier geste dalimentation coïncide avec le début même de notre vie ontogénétique : le spermatozoïde qui a subi la maturation spermatique durant le transit à travers les voies génitales féminines, rencontré luf dans lampoule des trompes. Cest alors la réaction acrosomale ; la membrane acrosomale et celle plasmatique du spermatozoïde sunissent, donnant origine aux pores qui permettent la sécrétion denzymes lytiques, qui digèrent le cumulo ovocyte et la zone pellucide de luf. Nous pourrions donc dire que la vie commence par un processus digestif !
J’ai participé récemment à deux importants Congrés internationaux dédiés à la vie psychique intra-utérine et je peux affirmer combien est unanime l’opinion : les événements psychosomatiques intra-utérins laissent des traces de mémoire bien évidents dans le psychisme de l’être humain, événements qui en influenceront le destin psychobiologique.
Parlant des troubles psychiques connexes à la Cliaquie il est possible que quelquun dise : « Mais au fond, il sagit seulement dintestin ! » Voyons un peu quelques aspects curieux :
1. Notre intestin, stérile durant la vie intra-utérine, vient colonisé d’une façon tumultueuse à la naissance, par des bactéries commensales. Le rôle de ces saprophytes réserve de grandes surprises ; ils sont nécessaires à la digestion et représentent les premiers ambassadeurs du monde extérieur. Ils sont plus nombreux que les cellules de notre corps et on les compte par milliers de milliers de milliards ; cela ne nous étonne donc pas de savoir que la distribution maximale de notre système immunitaire (aux alentours de 70 % des cellules), députée à la conservation de notre intégrité et unicité immuno-biologique soit concentrée dans l’intestin.
Notre intestin est la partie la plus étendue en contact avec lextérieur : « A lintérieur nous sommes creux » dit Michael D. Gershon, neurosavant de la Columbia University de New York (le corps est au contact de lextérieur non seulement au travers de la peau mais aussi à travers la paroi de lintestin. Un tunnel si bien construit quil permet au milieu environnemental de le traverser sans se faire aucun mal » 1 ).
2. Des études scientifiques récentes ont fourni une nouvelle conception de lintestin humain, qui dépasse de beaucoup lappareil « bien connu » qui nous sert à digérer et à métaboliser la nourriture. Les cellules argentaffines de notre intestin produisent 90 % de la sérotonine présente dans notre organisme, hormone essentielle à un fonctionnement correct des synapses de notre système nerveux central. La sérotonine joue un rôle important dans la régulation du sommeil, de lhumeur, de la sexualité, de lappétit et de la température corporelle. La sérotonine est impliquée dans de nombreux troubles neuropsychiatriques, comme la migraine, le trouble bipolaire, la dépression et lanxiété. Il existe donc un lien intime et évident entre « panse » et « psyché ».
Non seulement cela mais des études récentes montrent comment notre intestin contient une extension du système nerveux, connu comme « système nerveux entérique » ressemblant point par point à celui qui se trouve dans lencéphale.
Dautre part, déjà laspect anatomique macroscopique des deux organes nous dévoilait une analogie suggestive.
Entre ce « second cerveau » cest ainsi quil a été efficacement baptisé par des scientifiques qui létudient et le « premier cerveau », il existe des échanges dinformations et de profonds feedback ; ce qui survient dans le psychisme (stress, émotions, conflits, désirs, peurs, récompenses) influence létat de santé de lappareil intestinal et vice-versa!
Mais la sérotonine nest pas la seule substance sécrétée par le cerveau abdominal ; il produit une quarantaine de neuromédiateurs avec lesquels il communique avec le Système Nerveux Central. Les cellules de chacun des cerveaux, en fait, parlent le même langage chimique. Et cela explique pourquoi souvent chez les malades dAlzheimer et de Parkinson lon rencontre le même type de lésions anatomiques dans les deux cerveaux. Cest parce que les médicaments psychiatriques ont un effet également sur lintestin et ceux gastro-entériques sur le cerveau ! Une hormone gastrique, la sécrétine vient actuellement expérimentée dans la thérapie de lautisme. Un médicament anti-hémicrânie calme les intestins hyperactifs. Les antalgiques calment quelques inflammations du tube digestif. Et quelques antidépresseurs agissent sur lhumeur cérébrale, mais également sur le cerveau abdominal causant diarrhée ou constipation.
3. D’un point de vue physiologique soit dit en passant, notre intestin grêle a une surface d’échange de 400 m2 ! Ainsi que le rappelle S. Fanti : «
On peut réséquer notre estomac et notre gros intestin dans leur quasi-totalité, nous enlever une partie du cerveau, les yeux, un poumon, un rein (voire les deux), les deux bras et les deux jambes. Et nous vivons! Mais si lon touche trop à lintestin grêle nous mourrons » 2 .
Mais venons-en à présent à la partie psychodynamique de ma brève contribution. La première chose que nous devons chercher à clarifier est la dynamique psychique qui sinstaure lorsque, pour des motifs divers, tombe linterdiction ou léchelonnement de lalimentation chez le petit enfant. Chez le nourrisson il existe un besoin inné de nutrition, le réflexe de succion, le réflexe de préhension ; tout fait penser quil existe des activités instinctuelles qui pour ainsi dire « poussent » de manière indifférenciée le petit enfant vers lactivité de prendre et de manger.
Il semble que ce soit justement le cerveau entérique qui coordonne et qui mette en uvre ces fonctions stratégiques innées.
Le petit enfant saisit quelque chose (par exemple le sein maternel), le porte à sa bouche, il se nourrit, il a besoin de se calmer, de sapaiser, la tension à lintérieur de lappareil mental se met à zéro.
Mais au niveau psychique, demeure la poussée-information à prendre ; cest agréable cette sensation.
Même lorsque le sens de satiété est atteint, le petit enfant exerce lactivité du prendre-sucer parce que, de toute évidence, telle activité fait partie du principe de plaisir.
Il peut arriver que lactivité du prendre-manger encourt des interdits, alors le sémaphore rouge de lincompatibilité sallume : NON ! Cela tu ne peux le manger !
Le désir de prendre-manger vient bloqué sur place ; cest le refoulement, un désir inhibé du but ; la satisfaction pulsionnelle.
Le représentant créateur de laction inhibée reste donc bloqué sur place mais continue à être alimenté par lénergie pulsionnelle ; il se crée ainsi un premier noyau inconscient qui fonctionne comme noyau agglutinant, une sorte daimant sur les éléments semblables à ôter.
Si laction de prendre-manger ne peut seffectuer, non seulement on s’abstient mais se superpose linhibition même de penser à le faire. Mais ce désir désormais a été activé, il ne peut être annulé, il demeure dans linconscient et devient lui même source pulsionnelle parce que la charge pulsionnelle est demeurée liée. Il nest pas parvenu à la conscience et il na pas été transformé en acte parce quune contre-charge sest générée, inhibitoire, qui la bloqué sur place.
Jaimerais attirer votre attention justement sur le fait que pour quune poussée pulsionnelle, un désir inconscient, puisse rester en létat, il est indispensable dinvestir continuellement, afin de maintenir la représentation de ce que lon voulait faire « sur place » cest-à-dire hors du champ de la conscience.
Pour définir ce concept, Freud recourait à un exemple très efficace que je vous rapporterai.
Imaginez à présent, durant mon exposé, un élément perturbateur entre dans cette salle, hurlant à se briser les cordes vocales et interrompant les travaux de notre session. Nous devrons le faire sortir et fermer la porte derrière lui. Mais, supposons que le sujet soit particulièrement obstiné, un possédé qui ne pouvait rien faire dautre quentrer et hurler : lunique solution serait que trois ou quatre parmi vous, si possible les plus dotés physiquement, après lavoir mis à la porte à nouveau, réussissent à fermer la porte et à essayer de la maintenir fermée en utilisant toutes leurs forces, usant toute leur énergie. Voilà vous avez une idée de la vie du névrotique : un éternel gaspillage dénergie vitale dans la tentative de tenir bien fermées les portes daccès à ses désirs infantiles incompatibles avec le Moi conscient. Voilà pourquoi les névrotiques affichent une continuelle asthénie, même lorsquils se trouvent dans des conditions de total repos psycho-physique.
A présent nous pouvons retourner à notre nourrisson qui voulait saisir et dévorer le sein maternel. Ce désir a été inhibé, mais lactivité énergétique de linconscient le charge continuellement : il est devenu source pulsionnelle, il est toujours en attente de satisfaction.
Si sa charge est suffisamment forte, elle déformera les défenses du Moi réussissant à se manifester dune façon ou de lautre : voilà le symptôme, un compromis entre la réalisation de la poussée pulsionnelle originaire et les mécanismes de défense.
Nous restons à lexemple utilisé, ladulte hérite de cet enfant, il ne sadonnera pas au cannibalisme, mais peut-être se rongera-t-il les ongles dune façon obsessionnelle utilisant le mécanisme défensif de lintrojection de lagressivité.
Cette personne se rongera les ongles jusquà se dépulper sans même se rendre compte de ce quil est en train de faire et sans avoir aucune possibilité de se linterdire.
Il est clair que lorsque lon se trouve en présence dune telle situation chez le patient céliaque, qui, surtout dans les phases initiales du traitement doit se soumettre à certains renoncements alimentaires et aux substitutions, les précédentes phases des susdites fixations infantiles connexes aux problèmes nutritionnels, peuvent se réactiver, et dans la vie de chacun de nous, même chez le sujet normal, et ce nest pas par hasard que nous le définissons comme normo névrotique, surviennent des événements traumatiques mémorisés plus ou moins élaborés.
Donc, linitiale et nécessaire modification des habitudes alimentaires réinvestira les traces inconscientes des précédentes expériences traumatiques déterminant une brusque réactivation de lagressivité orale et son possible reversement sur le compartiment somatique, provoquant un feedback pathogène et un renforcement possible conséquent de la situation pathologique.
En effet, quelques études effectuées sur des malades de coeliaquie ou intolérance alimentaire ont mis en exergue le fait que la dimension psychologique au moment du diagnostic était caractérisée par des sentiments d’anxiété et de tristesse, mais que l’émotion prédominante qui se rapporte à l’observation de la diète est la rage.
A lâge scolaire et chez ladolescent, dans certains cas, la cliaquie a été suspectée justement sur la base de troubles du comportement.
Quelques études à ce sujet tendraient à connecter de tels troubles avec la réduction du métabolisme des monoamine (sérotonine in primis), responsables du ton de lhumeur, au niveau du Système Nerveux Central (SNC). Lamélioration du ton de lhumeur et des activités mentales après une période de diète privée de gluten, confirmerait cette donnée 3 .
Alors que ladhésion à la diète privée de gluten ne comporte pas de résistance particulière chez lenfant au cours de la première enfance, étant donné la passive adéquation du petit enfant à la symbiose materno-ftale et à ses règles (en dautres termes, le petit enfant sadapte passivement aux programmes alimentaires proposés par les parents), ladolescence est une période délicate pour le patient céliaque.
Cest au cours de cette délicate période que commence chez le pré-adolescent le détachement des objets sur lesquels il avait investi la libido ; il commence à manifester des attitudes critiques, que nous connaissons tous, attitudes dirigées vers les parents et il accroît lintérêt et linteraction envers les jeunes du même âge à la recherche de la propre identité. Cest une des caractéristiques de la période de ladolescence, la mise en discussion des valeurs et des règles acquises précédemment même à travers lutilisation dune nouvelle langue initiatique, le lexique des jeunes et leurs comportements, souvent contraints de type opposants. Cest léternelle opposition Oedipienne !
Mais la poussée à la différentiation du groupe familier sexprime également dans les habitudes alimentaires ; il suffit de penser à la fonction de totem du chewing gum dans les années 60 ou à celle des « fast food » dans les années 80.
Pour les motifs sus indiqués, le Docteur Nadia Dafinnà nous rappelle «
Il est aisé de comprendre comment ladolescente avec la cliaquie puisse manifester un refus de la propre maladie et une participation réduite à la diète plus que dans dautres phases de la vie. Il faut, de plus, garder présent à l’esprit à quel point la rigueur de la diète privée de gluten facilite les comportements exposés ci-dessus » 4 .
Dans une étude, effectuée sur 39 petits enfants et adolescents céliaques, tous sous diète sans gluten depuis quelques années, Cinguetti 5/, a évalué (à travers un questionnaire clinique) le malaise émotif et comportemental. Les résultats montrent comment la sensation du malaise et différences, évoquée comme connexe à la diète, était quasi absente à lintérieur de la vie familiale, alors quelle assumait une importance relevante dans les moments de vie sociale avec les amis.
Un autre aspect psychique auquel je voudrais me référer est la modalité inconsciente avec laquelle les mères et les enfants vivent nimporte quel aspect de diversité. Dans linconscient il existe un mécanisme appelé « Omnipotence de la Pensée » par laquelle lenfant dans le but de récupérer une partie active concernant les expériences traumatiques, se place au centre des événements du monde, structurant le vécu : tout ce quil arrive dépend de lui.
Il est aisé de penser donc à quel point ce phénomène peut créer des sentiments de culpabilité connexes à la prise de conscience du propre état de santé.
Un phénomène analogue peut se structurer dans lesprit de la mère, qui étant la poulinière de lenfant qui va naître (jutilise le terme dans sa stricte valeur étymologique) peut éprouver dintenses sentiments de culpabilité : linconscient, malheureusement ne connaît pas léziopathogénèse des maladies.
La brièveté du temps imparti me contraint à conclure : nous avons vue combien est profonde la connexion entre le psychisme et la physiopathologie gastro-intestinale. Un counseling psychothérapique de groupe pourrait être dune aide précieuse afin de se familiariser avec de tels conflits dadaptation inévitables et permettre une élaboration satisfaisante.
Ecrit par: Quirino
Zangrilli © Copyright
Videografica di Luca Zangrilli © Copyright
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Mots-clés
La Cœliaquie
Système nerveux entérique
Stade oral
Counseling
Résumé
Lorsque l’on se trouve en présence d’une situation chez le patient céliaque, dans laquelle, surtout dans les phases initiales du traitement il doit se soumettre à certains renoncements alimentaires et aux substitutions, les précédentes phases des susdites fixations infantiles connexes aux problèmes nutritionnels, peuvent se réactiver. Donc, l’initiale et nécessaire modification des habitudes alimentaires réinvestira les traces inconscientes des précédentes expériences traumatiques déterminant une brusque réactivation de l’agressivité orale et son possible reversement sur le compartiment somatique, provoquant un feedback pathogène et un renforcement possible conséquent de la situation pathologique.
Note:
1 Michael D. Gershon, Il secondo cervello, UTET, 2006.
2 Silvio Fanti, La Micropsicoanalisi, Borla, Roma, 1983.
3
( Hernanz A., Polanco I.: <>. Gut, 1991, 32, 1478-1481.; Hallert C., Granno C., Grant C., Hulten S., Midhagen G., Strom M., Svensson H., Valdimarsson T. & Wickstrom T.: <>. Scand. J. Gastroenterol. 1998; 33: 933-938.).
4 Nadia Daffinà, Problematiche emotivo-comportamentali secondarie alla malattia celiaca, 2002.
5 Cinquetti m., Micelli S., Zoppi G.: <>. Ped. Med. Chir. (Med. Surg. Ped.), 1997, 19: 397-399.
Estratto della relazione tenuta alla Giornata di Studio sulla Celiachia organizzata dall' AIC di Frosinone il 20 dicembre 2008
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