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Scienza e Psicoanalisi
 PSICOSOMATICA
Psicosomatica e psicoanalisi
Articolo di Quirino Zangrilli  
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La guerre utérine.
Les Hypothèses de la Micropsychanalyse sont confirmées par la biologie évolutionnaire

Traduction de Liliane Salvadori

1er Janvier 2007

Historique

Une des plus grandes difficultés que rencontrent les professionnels de la psychanalyse consiste dans le fait que les résultats des séances sont difficilement communicables et ne peuvent être soumis à vérification en dehors des séances.  Cela a contribué à influencer à tort de nombreuses personnes, dans leur façon de penser, parmi lesquelles figuraient même des scientistes, sur le fait qu’ils devraient utiliser la vérification des données afin de convaincre – fait absolument erroné - que la psychanalyse n’est pas scientifique (voir à ce sujet l’article de Nicola Peluffo “Psicoanalisi e Scienza” paru dans cette Revue). 1

Pourtant journellement dans des milliers de laboratoires du monde entier (les études des professionnels), des personnes de différentes nationalités et cultures approchent les mêmes thèmes associatifs et décrivent les mêmes noyaux conflictuels universels : l’Œdipe-castration, l’angoisse de mort, la gestion conflictuelle des désirs sexuels et agressifs.  L’observation réitérée des mêmes dynamiques a conduit à la localisation des mécanismes répétitifs de l’organisation du dynamisme psychique qui ont fait assumer aux chercheurs de tels phénomènes non plus le statut de simples hypothèses mais plutôt de lois.

Aucun psychanalyste au monde je crois oserait douter de l’existence d’Œdipe ou des phases de fixation de la libido.

Les difficultés surgissent lorsqu’un scientiste utilise des instruments d’observation que d’autres ne possèdent pas encore : Galileo Galilée en a fait l’expérience, les époux Curie et tant d’autres précurseurs également.

Au cours des années 50, un psychanalyste freudien, Silvio Fanti, eut l’intuition d’augmenter le temps habituel d’une séance, le portant des archaïques 50-60 minutes à 3-4 heures consécutives dans le but d’adapter le temps d’observation des phénomènes au rythme de l’affaiblissement de la résistance, il mit au point une nouvelle technique, la Micropsychanalyse qui est à l’heure actuelle pratiquée par  une centaine de professionnels dans le monde.

Rapidement les micropsychanalystes se trouvèrent confrontés avec la production, de la part de leurs analysés, d’un matériel associatif inhabituel : de nombreuses heures d’analyse étaient consacrées à la description de profondes dynamiques agressives sexuelles que les patients faisaient remonter sempiternellement à une période absolument archaïque : la période intra-utérine.

De nombreux analysés en micropsychanalyse décrivaient avec angoisse l’existence de « vécus de menace d’anéantissement » provenant du pôle maternel et de désirs spéculaires de destruction-assimilation provenant du pôle fœtal ».

L’observation réitérée du phénomène décida Fanti à théoriser l’existence d’une phase précoce d’organisation libidinale (sexualité et agressivité) qu’il définit « stade initiatique » et l’existence d’un échange psychosomatique agressif mère-fœtus qu’il définit « guerre utérine ».  Ces hypothèses furent publiées dans le volume « L’homme en micropsychanalyse » publié en 1981. 2

Mais déjà auparavant en Italie, Nicola Peluffo alors Professeur de psychologie sociale à l’Université de Turin, avant même de rencontrer Silvio Fanti avait commencé à pratiquer des séances plus longues et, stimulé par l’inhabituel matériel observé, avait concentré ses recherches sur ces arguments et les avait récapitulées déjà en 1976 dans son livre « Micropsychanalyse des processus de transformation » 3

Point n’est besoin de préciser que contre les thèses des deux auteurs se déchaîna une réaction forcenée de la part de certains secteurs du monde académique surtout ceux imprégnés de culture catholique qui ne pouvaient accepter la mise en discussion de la « Fable du Nirvana utérin et du don si tendre de la vie ».  En 1989, j’assistai personnellement à un douloureux épisode qui me fit comprendre à quel point l’ignorance et les préjugés règnent dans certaines  prébendes de l’Université italienne.  J’avais suivi la thèse de la Licence d’une lauréate de la Faculté de psychologie de l’Université « La Sapienza » (sic) de Rome et cette personne qui avait été séduite par les nouvelles thèses micropsychanalytiques avait dédié un entier chapitre à l’existence de la « guerre utérine ».  Je n’ai jamais oublié et à ce jour je crois toujours entendre  les ricanements grossiers proférés par ces ‘professeurs’ dont certains étaient parmi les plus réputés de la Psychologie italienne.   

Heureusement le temps est galant homme ainsi que nous le verrons dans les chapitres suivants.

LA GUERRE UTERINE

guerra uterinaDans «Micropsychanalyse des processus de transformation » 4 publié dans la presse en 1976, N. Peluffo exposait le fruit de ses recherches qui avaient débuté en 1972 et faisait état de la littérature biologique de l’époque – entre autres un résumé du travail d’Alan E. Beer et R. E. Billingham qui, dans un article intitulé : « L’embryon en tant que greffe » cherchaient à démontrer comment le fœtus peut être considéré comme un allogreffe (agressif) à tous les stades de  son existence :

« …La conception – écrivent les deux auteurs – débute normalement avec l’inoculation de l’hôte féminin de la part du spermatozoïde provenant d’un donateur masculin, génétiquement non apparenté.  Il a été démontré que ces cellules spécialisées sont porteuses d’antigènes de greffe et donc ont le pouvoir de déchaîner une réaction ». 5

N. Peluffo soulignait comment l’unité somatopsychique maternelle au fond se comportait envers la réaction provoquée en elle-même de l’antigène-embryon comme face à n’importe quelle maladie pour laquelle le système immunitaire maternel fournit les défenses à l’enfant… C’est-à-dire … réagit contre les effets éventuels de la propre réaction immunitaire vis-à-vis de l’enfant greffé, stimulée par lui qui à son tour considèrerait la mère comme un envahisseur. 6

Beer et Billingham parvinrent à la conclusion que l’utérus ne peut être considéré un endroit privilégié pour la greffe d’un embryon et avancèrent l’hypothèse que la réponse immunitaire maternelle pourrait être  bloquée ou annulée par un quelconque mécanisme associé au fœtus.  Plus de 30 ans de recherches et d’expérimentations ont confirmé leurs hypothèses.  Ainsi que le rappellent Zoltan Fehervari et Shimon Sakaguchi dans un récent travail dédié aux lymphocytes T régulateurs (T reg)  7 « Les recherches indiquent également un rôle protecteur des « T reg » durant la grossesse.  Chaque grossesse est inévitablement un défi aux défenses immunitaires de la mère, car le fœtus hérite de la moitié des gènes du père et de la moitié génétiquement distincte de la mère et représente en substance, une greffe d’organe.  A l’intérieur du trophoblaste, le tissus placentaire qui relie le fœtus à la paroi utérine, une série de mécanismes fournit au fœtus une certaine protection, qui le met à l’abri d’un rejet d’organe.  Le trophoblaste n’est pas seulement une barrière physique contre les « envahisseurs » toujours possibles, présents dans le sang de la mère mais il produit également une molécule immunosuppressive.

Le système immunitaire de la mère subit également quelques modifications.  Une confirmation plus directe nous est parvenue à la suite de  quelques récentes expériences conduites à l’Université de Cambridge où Alexander Betz et ses collègues ont démontré que lors de la grossesse, les souris présentent une augmentation du nombre de lymphocytes « T reg ».  Au contraire, provoquer l’absence de »T reg » conduit à un rejet du fœtus caractérisé par une massive infiltration de cellules immunitaires à travers les confins mère-fœtus.  Il est tentant de spéculer sur le fait qu’une activité insuffisante des lymphocytes «T régulateurs » pourrait être la cause de l’avortement spontané survenant chez certaines femmes.

N. Peluffo affirmait dans ce travail innovateur, qu’au niveau de l’élaboration psychique, l’état de déséquilibre somatopsychique constitué par la gestation, provoquerait chez la mère l’apparition d’un vécu onirique et fantasmatique d’invasion bactérienne, qui n’est autre que la représentation psychique d’un processus somatique : la réaction immunitaire.  De plus dans l’enveloppe constituée par l’unité materno-fœtale, il y aurait une rencontre, un dialogue, une interaction entre les « vécus psychiques de la mère, inconscients, préconscients et conscients » qui constituent des fantasmes-stimolo évoquant chez l’enfant qui va naître l’apparition de fantasmes-réponses, présents dans leur potentialité héréditaire.  Telle dynamique psychique, souvent caractérisée par l’ensemble des fantasmes d’invasion ou de l’engloutissement réciproque, prendrait la place de la réponse somatique de rejet, le conflit se déplacerait alors sur le plan de l’élaboration psychique, laissant libre le champ somatique.

Par la suite, Silvio Fanti reprit l’argument et dans son livre « La Micropsychanalyse » (1981) écrivait à propos de la guerre utérine : « la mère échappe de justesse à l'explosion cellulaire de son rejeton uterin qui ne s'en sort qu'en esquivant ou en encaissant les coups psychobiologiques qu'elle lui porte». 8

Ainsi qu’on le constate il s’agit d’une thèse qui ne laisse aucun espace à la médiation.  Pour Silvio Fanti la période utérine, loin d’être  cette période de tranquillité ouatée à laquelle il était souvent fait référence dans le passé, est au contraire, le théâtre d’un conflit psychobiologique qui comporte d’importantes séquelles qui perdureront tout au long de la vie de l’individu.

Nous devons schématiquement garder présents à l’esprit que :

-  Du point de vue immunologique l’embryon est un allogreffe dès les premières tentatives de nidation.

-  Les stimulants biochimiques provenant du matériel paternel et puis parental excitent incessamment le système immunitaire maternel qui  contre-attaque coup après coup, synthétisant les anticorps qui se fixent sur le trophoblaste favorisant en premier lieu la détérioration et ensuite en le phagocytant.

-  Même s’il se développe une certaine tolérance psychobiologique entre les deux pôles de la vie utérine (surtout suite à l’action des « T reg ») cette tolérance demeure précaire ainsi que le prouvent les violentes réactions psychosomatiques de hypérémèse de la grossesse , une tentative d’élimination-rejet du produit de la conception. 9

- Cet échange réciproque de coups somato-psychiques constitue le premier apprentissage sexo agressif du futur « individu » et fixe les directives qui serviront de base à sa vie future. 10

LA CONFIRMATION DE LA BIOLOGIE EVOLUTIONNAIRE

Il en est de même pour le biologiste évolutionniste d’Harvard, David Haig, la grossesse est un processus qui ne se déroule pas en parfaite harmonie.  Haig soutient, confirmant donc les observations faites dans le domaine psychique par des micropsychanalystes que la mère et le fœtus engagent une lutte inconsciente pour leur nourriture pour leur réciproque  survivance.  Selon Haig, le conflit peut se poursuivre même après la naissance et influencer la vie future, justifiant ainsi les désordres psychologiques tels que la dépression et l’autisme.

Dans une publication en 1995 11 Haig paraît utiliser la même terminologie que durant des décennies les micropsychanalystes ont utilisé soulevant des ondées de critiques et d’incompréhensions. 
embrione Haig rappelle que la plus intime des relations possibles est celle entre la mère et le fœtus.  Ce dernier reçoit la nourriture à travers le sang maternel, partage chaque mouvement respiratoire  que fait la mère, quelque nourriture qu’elle  absorbe et, utilise les réserves maternelles de matières grasses lorsque la nourriture vient à lui manquer.  Mais Haig s’interrogeait sur le fait qu’une « harmonieuse cohabitation », pouvait être seulement une « illusion » et il formula la demande : … est-ce que le fœtus est un étranger, un parasite qui prend ce qu’il peut prendre sans se préoccuper de son hôte maternel ? (en anglais dans le texte original)

Haig comme l’avaient déjà souligné N. Peluffo et S. Fanti dans leurs travaux, nous rappelle que contrairement à ce qu’il se produit avec d’autres mammifères, le placenta humain est envahissant : l’embryon humain depuis sa mise en place lance des giclées de cellules dans le tissus utérin qui détruisent l’endomètre maternel et favorisent la création de réels orifices de pompage dans les vases maternels : « Le résultat est que le foetus a un accès direct au sang maternel et la mère est incapable de brider ses vaisseaux sanguins. » (en anglais dans le texte original).  Ce n’est pas tout, le fœtus ayant un accès direct au système vasculaire de la mère peut émettre dans l’organisme maternel une série de substances stratégiquement importantes destinées à sa survivance. 12

Parfois rappelle Haig, le placenta peut comporter un apport inadéquat de sang maternel, une manière pour lui d’obtenir une augmentation de l’apport hématique et donc des substances vitales, est de définir une augmentation de la pression sanguine maternelle éventuelle qui se manifeste dans la prééclampsie.  Selon les hypothèses de Haig il ne s’agirait pas d’un fait éventuel mais bien du résultat d’une stratégie foetale effectuée afin d’obtenir une augmentation de l’afflux de sang dans les espaces intervillaires desquels le fœtus extrait sa nourriture.   Ananth Karumanchi et coll. 13 ont confirmé l’hypothèse ; les femmes affectées de preéclampsie, présentent un niveau inattendu élevé d’une protéine, la sFlt1, produite par le fœtus lui-même.

Haig nous rappelle encore que certaines  hormones sécrétées par le pôle fœtal placentaire, parmi lesquelles la gonadotrophine chorionique (hCG) et l’hormone placentaire lactogène (hPL) peuvent interférer efficacement avec la physiologie maternelle à des fins égocentriques du développement du fœtus. 14
Par exemple l’hPL agit directement sur les récepteurs maternels pour la prolactine augmentant la résistance à l’action hypoglycémiante de l’insuline.  Si la mère ne réussit pas à s’opposer à de tels signaux hormonaux fœtaux (surtout les sujets diabétiques)  ils se maintiendront à de hauts niveaux hématiques de glucose durant des périodes prolongées après les repas.

Les argumentations scientifiques présentées par Haig sont un patrimoine qui doit être pris en considération par quiconque s’intéresse au psychisme foetal.  Je recommande au lecteur qui désire approfondir ultérieurement l’étude de cette matière, la lecture attentive de l’imposante biographie de l’Auteur, biographie à partir de laquelle j’ai sélectionné les travaux cités à la fin du présent article. 15

La guerre utérine et ses conséquences sur le psychisme humain 

Que l’épopée utérine ne soit pas le nirvana dont il a été parlé longuement  (pour quiconque aura eu à s’occuper d’un traitement psychanalytique intensif et profond) était l’évidence même et incontestable.  Dans chaque micropsychanalyse une longue période de séances est destinée au « revécu » du matériel relatif au stade initiatique.  Il est nécessaire ici de préciser  que nous, micropsychanalystes, ne pensons pas que l’être humain puisse emmagasiner tout court les « souvenirs » des expériences traumatiques intra-utérines de la même manière qu’elles sont vécues par le fœtus.  Le fait est que très probablement à être emmagasinées dans le psychisme ce sont des sensations protomentales inconfortables, de douleur, d’angoisse et des réflexes relatifs de réponse moteur, hormonale, du comportement du fœtus. 16

Ces traces mnésiques élémentaires qui sont emmagasinées dans le psychisme un peu comme sur des rails – en attente, seront activées à nouveau et renforcées jusqu’au moment où elles réapparaîtront dans un rêve d’angoisse, prenant une forme plus intelligible et elles seront reconstruites dans le psychisme imaginaire de l’adulte avec les changements de représentation mentale qui lui sont propres.

Donc, lorsque nous écoutons l’adulte décrire avec moult détails les sensations que lui affirme avoir vécues dans l’utérus, nous savons qu’il s’agit-là de « reconstruction » ; ce qui est fondamental est que ces descriptions peuvent être chargées d’angoisses momentanément éloignées qui n’ont pu être neutralisées auparavant.

Un cas clinique emblématique

Il s’agit d’une femme atteinte d’un « cas limite » caractérisé par un terrain imprégné de narcicisme primaire.  Cette femme a une forte tendance à la somatisation et elle est diabétique.

L’analysée a épousé un de mes patients qui grâce à l’analyse avait réussi à surmonter une position de grave défense paranoïaque ainsi qu’un délire érotomaniaque bien structuré.  Une fois liquidée la défense délirante, l’homme avait rencontré sa compagne et sept ans après leur rencontre le mariage s’était soldé par une grossesse.  La femme avait vécu cette grossesse dans une position défensive de totale scission : son corps portait un petit être mais son esprit refusait d’en prendre conscience.

Dès le premier jour de sa vie le nouveau-né, atteint d’une très grave crise d’insuffisance respiratoire fût intubé, il demeura 40 jours en soins intensifs de l’unité néonatale.  L’origine soudaine de cette aggravation n’a pu être expliquée par les médecins.

Quatre ans plus tard je rencontrai tout à fait par hasard la jeune famille dans un grand magasin et je constatai immédiatement que l’enfant présentait des symptômes d’autisme et ayant obtenu quelques précisions de la part du couple, je leur conseillai vivement de consulter un pédiatre.  Mon diagnostic a été substantiellement confirmé et un traitement adéquat fût administré à cet enfant.

La mère entreprit une micropsychanalyse au cours de laquelle elle accomplit un très bon travail, se libérant de ses « démons » psychiques.  L’analyse fut très dure, entrecoupée d’interminables silences durant lesquels l’analysée demeurait absolument immobile, pétrifiée donnant l’impression d’être totalement anéantie.

Voilà un extrait de ce que j’ai pu noter au cours des rares moments où il lui arrivait de sortir de son enveloppe narcissique et à traduire verbalement ses émotions :

[Elle pleure, extrêmement agitée] « J’ai senti quelque chose sortir de là (..), un peu comme si mon corps avait été fendu, un peu comme un tronc qui s’ouvre.  Je haiiis… [elle hurle] »

«Je suis quelque chose sans consistance à l’intérieur et je ne réussis pas à parler.  J’ai quelque chose dans la bouche !  Cela ne peut ni sortir ni entrer, j’ai la bouche pleine et je reste immobile, immobile.  Je pense que j’ai eu une vision alors que j’étais un fœtus !  Une chose horrible !  Vous savez depuis quand je suis là sans parler ?  Je n’entends rien et je reste muette ?  Hier soir j’avais la gorge serrée, une peur absolument bestiale.  J’étais sur le lit j’ai senti que j’étais déplacée et j’ai eu  une peur atroce.  Une sensation de fin imminente.

Un peu comme si « ma guerre » venait de commencer avec tout ce qui était sorti… Je sais seulement que j’essayais !... Une guerre a débuté avec tout ce qui était dehors !  Je ressens seulement de la haine.  Où est le bien ?  Je ne m’en souviens pas.  Je ressens seulement de la haine.  Je me sens détruite comme si 100 ans venaient de s’écouler en une heure.  Je hais, quelle sensation répugnante à présent.  Je ne me sens plus « moi »  Je ne sens plus le temps ! [nouvelle décharge émotionnelle, puis, après 10 minutes de silence :]  Maintenant j’entends ma voix, elle est moins méchante.  Je voudrais l’embrasser…  Moi, les sentiments positifs je les ai éprouvés seulement ici.  Depuis quelques jours je me sens diverse, je sens que je « reçois » les choses.  C’est la première fois dans ma vie que je sens que les choses me pénètrent, je me sens ‘souple’.  Quelle sensation de chaleur, de délassement.  Comme je me sens bien !  Je voudrais toujours rester ainsi.  J’embrasserais tout le monde à présent !... »

Au cours d’une autre séance :

« Je tiens beaucoup à ma personne.  Je pense continuellement et seulement à moi, moi seule existe…Je suis prise de vertiges, tout tourne…. c’est un peu comme si j’étais dévorée par quelque chose de très grand… Je dois faire attention  parce qu’il y a quelque chose qui peut m’éteindre à l’improviste…j’ai peur et dois être attentive, immobile, sans bouger, je dois disparaître [extrême angoisse de mort].  Je vis ainsi avec cette peur et il n’y a rien qui puisse m’aider.  Je me suis senti ronde comme un anneau,  une petite balle avec quelque chose qui bat, qui bat, qui bat.  Tout est vide autour, je sens que je vais tomber et j’ai peur, je n’ai plus mon corps … je suis dans une mer au milieu d’une tempête, l’eau est très agitée, il y a de l’écume …Je suis dans une fissure, un pli, j’ai dû lutter pour ne pas mourir… une guerre, une bataille.

 Une fois sur le pédalo j’ai commencé à avoir une peur folle;  je pensais que le niveau de l’eau allait monter et que  j’allais être engloutie.  Le diabète m’est venu à ce moment là…  Je vous ai confié toute ma peur.  Je l’ai posé là ! [après une terrible décharge émotionnelle ;]

Je me sens beaucoup, beaucoup mieux.  Je suis fatiguée mais heureuse.  Docteur, allons fêter cela : je me sent renaître.  Je me sens bouleversée à présent comme après un combat. »

Ce cas, qui contient du matériel absolument comparable à celui de tous les analysés qui se soumettent à une micropsychanalyse en profondeur, nous permet  de procéder ultérieurement à des réflexions.  La jeune femme qui exprime ses angoisses d’une façon aussi claire est une diabétique.  Elle est soignée depuis l’enfance mais décide d’affronter malgré tout, les risques d’une grossesse.

Son analyse est caractérisée par un conflit profondément marqué entre une mère idéalisée et suffocante, une symbiose inextricable  qui court-circuite l’agressivité oedipienne.  Les derniers mois de la grossesse sont difficiles.  Lors des derniers jours cette grossesse se complique de toxémie gravidique durant le travail ce qui annonce un accouchement dystocique ; la patiente présente des symptômes de prééclampsie, les indications fournies par le tensiomètre sont préoccupantes et l’on procède à l’anesthésie ayant opté pour une césarienne.  Le « détachement entre la mère et le nouveau-né survient donc dans un état d’inconscience ».  L’enfant de sexe masculin vient au monde apparemment normal mais le lendemain ses conditions inexplicablement s’aggravent et l’on procède à son intubation.  La mère l’ignore mentalement, elle est en proie à une haine inconsciente et puissante que seule l’analyse réussira à amortir.  Elle fera un rêve – dont elle parlera durant l’analyse – au cours duquel elle accouchera (mentalement) et elle se rendra alors compte réellement de l’existence de son fils.

« J’ai fait un rêve l’autre nuit qui a changé ma vie : j’ai rêvé que j’avais  accouché …j’avais un fils !

Finalement je sais que j’ai réellement accouché et que lui existe.  A présent je suis consciente d’avoir eu un enfant et je m’aperçois également combien il a changé !  C’est une chose merveilleuse !  Dernièrement, un soir, nous avons communiqué : il me semblait que c’était la fin de tout ce que je cherchais.  C’est un peu comme si les espaces qui demeuraient vides s’étaient emplis finalement.  C’était très beau.  A présent les choses reprennent forme et je me rends compte qu’il y a des choses qui ne font plus partie de moi.  C’est très émouvant.  Mon mari a été souffrant et j’ai été affectueuse, prévenante – je me suis surprise moi-même.

Puis je dois dire que j’ai beaucoup parlé avec ma sœur, jamais comme ces derniers temps.

C’est beau d’avoir un fils : je le sens à l’intérieur et à l’extérieur de moi-même.  J’ai reconnu qu’il existe une autre personne.  Je sens comme si quelque chose s’était dissous en moi un peu comme si j’avais eu un pantin de glace à l’intérieur et à présent qu’il s’est fondu  il me reste cette chaleur, cette plénitude.  J’ai très envie de pleurer parce que je me sens enfin vivre.  Voilà, le bonheur je crois que c’est quelque chose comme «  ça » ! 

Que peut-il s’être passé durant l’épopée « utérine » de ces deux êtres humains liés d’une manière indissoluble dans la symbiose materno-fœtale ?

Probablement la mère n’avait pas réussi à s’opposer aux stimuli hormonaux fœtaux (un sujet diabétique est déjà en conditions critiques) ; son organisme a dû enregistrer cette menace potentiellement mortelle : pendant que la mère déclenchait des contre-mesures chimiques humorales pour se protéger de l’agresseur 17/ elle a pu enregistrer la présence de l’Autre comme un ennemi persécuteur mortel, structurant inévitablement et sans aucune responsabilité morale, une haine défensive et un désir d’agression/expulsion/liquéfaction de l’ »étranger ».

Ce fœtus durant sa gestation a donc séjourné dans une « enveloppe » de haine défensive, son mécanisme de défense protomental consistera dans le renforcement de la défense narcistique et de la structuration des noyaux autistiques.

Il est évident, qu’afin que tout ceci se vérifie, que nous nous trouvions en présence d’un terrain évolutif, que ce soit du côté maternel ou paternel, prédisposé au narcissisme.

Nous n’excluons pas naturellement les hypothèses toxiques, génétiques ou épigénétiques qui ont pu favoriser un syndrome autiste mais étant donné que nous assumons une vision holistique il est pour nous inconcevable de séparer le soma de la psyché, nous nous occupons également des psychogènes déterminants des troubles mentaux.

Des personnes de différents niveaux de culture évoquent leurs propres angoisses d’anéantissement dans l’utérus, peut-être de différentes manières mais toutes expriment avec une intense angoisse la sensation d’être menacées par l’organisme qui les « héberge » et l’agressivité parallèle  cannibalique qui s’est activée dans ces archaïques phases de développement.

Je désire préciser que même si la définition de « guerre utérine » heurte efficacement l’imagination collective elle est destinée néanmoins à s’affirmer, elle a le défaut d’attribuer un signe caractéristique moral à l’événement : il s’agit, au contraire de stratégie neutre de survivance du génome qui lutte pour son auto-affirmation.

De toutes façons, libérer les personnes de ces émotions traumatiques a une grande résonance thérapeutique.  Ainsi que le souhaitait Kandel, au moins dans ce cas psychanalyses et sciences biologiques se sont rencontrés, et ils ont pu lors de cette rencontre se rendre à l’évidence du fait de la confirmation clinique de «guerre intra-utérine ».  Des horizons fascinants s’ouvraient sur les études qui ne pourront être partagées que si l’on fait abstraction des préjugés.

 

Ecrit par: Quirino Zangrilli © Copyright

 

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Résumé

Depuis 1972, se fondant sur la littérature biologique de l’époque, l’italien Nicola Peluffo avait théorisé l’existence d’une interaction complexe conflictuelle entre la mère et le fœtus.  En 1981, Silvio Fanti nommera ces dynamiques « guerre utérine ».  Dans toutes les micropsychanalyses sont visibles de profondes angoisses et conflits que les analysés situent dans la période protomentale utérine de leur existence.  Les études de David Haig confirment l’existence de ce conflit psychobiologique.

Mots-clés

Foetus
Grossesse
Stade initiatique
Prééclampsie
Autisme
Empreinte génomique

Abstract

Since 1972 basing his theory on biological literature of the time, italian N. Peluffo has asserted the existence of a complex conflictual interaction between mother and foetus.  In 1981, S. Fanti has called such dynamics “intrauterine war”.  In each micropsychoanalysis are realized deep anxiety and conflict that the patients date back to the uterine protomental period of their life.  David Haig’s studies confirm the existence of this conflict.

Key words

Fœtus
Pregnancy
Intrauterine war
Initiatory stage
Pre-eclampsia
Autism
Genomic imprinting

Notes:

1 Nicola Peluffo, Psicoanalisi e scienza, dans Scienza e Psicoanalisi, 2000.
2 Silvio Fanti, L'Homme en micropsychanalyse, Denoel, Parigi, 1981.
3 Nicola Peluffo, Micropsicoanalisi dei processi di trasformazione, Books’ Store, Torino, 1976.
4 Nicola Peluffo, Micropsicoanalisi dei processi di trasformazione, Books’ Store, Torino, 1976.
5 Beer A. E. e Billingham R.E., L’embrione come trapianto, in Le Scienze, n. 7, Milano 1974.
6 Nicola Peluffo, Micropsicoanalisi dei processi di trasformazione, Books’ Store, Torino, 1976.
7 Zoltan Fehervari e Shimon Sakaguchi, I peacekeeper del sistema immunitario, Le Scienze, dicembre 2006.
8 Silvio Fanti, L’homme en micropsychanalyse, Paris, Denoël, 1981, réédition Buchet/Chastel 1983, p. 176.
9Il est intéressant ici de noter la concordance entre la « Grossesse orale » (absolument constant) et la tentative d’élimination orale : pour l’enfant et pour « il BIMBO » (voir N. Peluffo.  Les manifestations du petit garçon dans la dynamique transfert-contretransfert [Le manifestazioni del Bimbo nella dinamica transfert-controtransfert], Science et Psychoanalyse, 2006) qui demeurera dans son psychisme, le fœtus se trouve dans l’abdomen (l’égoût).  Si on désire l’éliminer il faut seulement vomir, déféquer ou éliminer avec les urines.
10 Un exemple éclatant des conséquences du conflit psychosomatique utérin a été exposé dans un compte rendu que j’ai rédigé « La structuration de l’idée délirante », paru dans le numéro 2 du Bulletin de l’Institut Italien de Micropsychanalyse, le premier semestre 1986.  Je me permets d’en conseiller la lecture surtout à ceux qui croient que la psychanalyse n’a aucune valeur thérapeutique.
11 Haig, D. (1995) Prenatal power plays. Natural History 104(12): 39.
12 Nous savons que l’élan souhaité pour la production littéraire doit rencontrer nécessairement un contenu qui « accroche », des faits fantastiques pour le « conscient » mais absolument réels pour l’inconscient.  Et c’est là que naît l’attraction pour ces œuvres ;  par exemple la saga science fiction d’ »Alien » a puisé sa force dans les souvenirs intra-utérins des spectateurs.
13 Excess placental soluble fms-like tyrosine kinase 1 (sFlt1) may contribute to endothelial dysfunction, hypertension, and proteinuria in preeclampsia, Sharon E.e coll, Maynard American Society for Clinical Investigation, 111:649-658, 2003.
14 David Haig, Genetic conflicts in human pregnancy, the quarterly review of biology, volume 68, no. 4, december 1993.
15 - Wilkins, J. F. & Haig, D. (2003) What good is genomic imprinting: the function of parent-specific gene expression. Nature Reviews Genetics 4: 359-368.
- Wilkins, J. F. & Haig, D. (2003) Inbreeding, maternal care, and genomic imprinting. Journal of Theoretical Biology 221: 559-564.
- Haig, D. (2000) Genomic imprinting, sex-biased dispersal, and social behavior. In Evolutionary Perspectives on Human Reproductive Behavior, D. LeCroy and P. Moller (eds.) Annals of the New York Academy of Sciences 907: 149-163.
- Haig, D. (1996) Placental hormones, genomic imprinting, and maternal—fetal communication. Journal of Evolutionary Biology 9: 357-380.
- Haig, D. (1996) Altercation of generations: genetic conflicts of pregnancy. American Journal of Reproductive Immunology 35: 226-232.
- Haig, D. (1993) Genetic conflicts in human pregnancy. Quarterly Review of Biology 68: 495-532.
- Haig, D. (1992) Intragenomic conflict and the evolution of eusociality. Journal of Theoretical Biology 156: 401-403.
- Haig, D. (1992) Genomic imprinting and the theory of parent-offspring conflict. Seminars in Developmental Biology 3: 153-160.
- Haig, D. & Grafen, A. (1991) Genetic scrambling as a defence against meiotic drive. Journal of Theoretical Biology 153: 531-558.
- Haig, D. & Graham, C. (1991) Genomic imprinting and the strange case of the insulin-like growth factor-II receptor. Cell 64: 1045-1046.
- Moore, T. & Haig, D. (1991) Genomic imprinting in mammalian development: a parental tug-of-war. Trends in Genetics 7: 45-49.
Les publications de David Haig peuvent être consultées sur les liens suivant: go!
16 Je crois que les lymphocytes emmagasinent pour toujours la mémoire de ce qui est survenu et que certaines formes de maladies auto-immunitaires qui se déclenchent à l’âge adulte peuvent avoir été déjà programmées dans la vie intra-utérine : il est évident pour ma part qu’il s’agit là d’une hypothèse, mais si j’étais un biologiste je la prendrais  sérieusement en considération.
17 A ce sujet les hypothèses de Haig sur l'empreinte génomique sont d’un grand intérêt.   L’espace limité dont nous bénéficions nous contraint à ne pas les exposer mais je renvois le lecteur aux liens suivants:
• Genomic imprinting: a talk with David Haig
• Articoli accademici per David Haig genomic imprinting

 

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