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Applications cliniques
du modèle micropsychanalytique 1

  Traduction de Liliane Salvadori

     

La psychanalyse est, ainsi que le suggère l’étymologie du terme, une décomposition des contenus psychiques : un peu comme le le chimiste décompose les substances dans leurs composants de base utilisant diverses méthodes, le psychanalyste analyse, c’est-à-dire décompose les pensées et les émotions de ses patients.  La micropsychanalyse se fixe le même but, se proposant comme objectif de parvenir à une dimension d’enquête pourrait on dire « microscopique ».
Dans d’autres sciences, l’utilisation d’instruments d’amplification des données observables a consenti l’apparition de nouvelles disciplines : le microscope électronique a permis le passage de la biologie à la microbiologie, les accélérateurs linéaires : le passage de la physique à la microphysique.  Le but principal de la méthode micropsychanalytique est celui d’étudier le détail psychique et psychomatériel dans ses deux composantes, celle énergétique (l’affect) et celle formelle (les représentations mentales).
L’équivalent du microscope du microbiologiste est pour le micropsychanalyste la prolongation du temps de séance qui passe des 50/60 minutes habituelles de la micropsychanalyse orthodoxe à une durée moyenne de 3 heures consécutives et à l’augmentation de la fréquence desdites séances, qui deviennent de ce fait, pratiquement quotidiennes.
La dilatation de l’observation qui est ainsi obtenue permet l’étude d’une donnée psychique de l’inconscient particulièrement profonde.  Cela est possible du fait que les résistances qui s’opposent à l’apparition des contenus refoulés, étant de nature énergétique, ont, comme tous les phénomènes énergétiques existants en nature, un temps de décroissance : allongeant le temps d’observation, soit les résistances égoïques ou celles inconscientes s’affaiblissent et favorisent l’apparition de représentations et d’affects qui étaient auparavant relégués dans le processus primaire de l’inconscient, au niveau de la conscience où ils peuvent être finalement neutralisés et intégrés au Moi.
Quelle que soit l’école à laquelle appartient le psychothérapeute, il affronte le désagrément de la recherche de données indirectes.  Un désagrément qui n’est pas seulement l’apanage de notre catégorie mais que nous partageons avec d’autres chercheurs de disciplines souvent retenues à tort, plus probantes que la psychanalyse : je me réfère, seulement dans le but de citer un exemple, aux microphysiciens.
Les chercheurs s’occupant de microphysique et se trouvant en présence de situations ou de mécanismes dont il est impossible d’analyser le détail (en microphysique à cause de l’existence du principe d’indétermination de Werner Heisemberg, ces situations représentant la plus grande partie), essaient de spécifier de la façon la plus nette possible les parties du phénomène qui peuvent être observées, (par exemple les perturbations indirectes produites dans le champ d’une collision de particules). En d’autres termes, ils concentrent leur attention sur la vérification de la donnée observable.
Le psychanalyste et le micropsychanalyste se comportent de la même manière que le microphysicien : la persistance de la donnée observable et sa vérification par divers moyens n’en garantissent pas l’objectivité et rendent possible la construction d’un écran d’explication simple dans lequel on cherche à neutraliser les énigmes en les substituant avec des éléments de contrôle qui constamment se représentent, exprimés à travers l’utilisation de modalités techniques variées.
Le fait est que, comme tous ceux qui pratiquent une psychothérapie profonde le savent, les phénomènes n’ont aucune cause spécifique et unique.  Ce qui se vérifie est le résultat de causes qui interagissent, se renforcent ou s’affaiblissent réciproquement.  Il existe toutefois des données observables qui persistent, que ce soit d’un point de vue énergétique ou formel, forcées par la compulsion de répétition soit dans l’ontogenèse soit dans les lignées générationnelles.
La tradition d’études dans le domaine psychologico-clinique auquel fait référence la micropsychanalyse est essentiellement celle psychanalytique freudienne.  D’un point de vue méthodologique, la formulation freudienne est en fait maintenue en ce qui concerne la technique de la libre association, de l’interprétation du rêve et de l’analyse du transfert : de telles techniques sont intégrées aux supports spécifiques de la micropsychanalyse : recherche généalogique, étude des plans d’habitations où l’analysé a vécu, étude du matériel iconographique disponible, étude de la correspondance.
Revoyant  la donnée historique dans ses multiples formes à travers les supports techniques, l’analysé et le micropsychanalyste parviennent à reconnaître les transformations de la répétition et de la manière dont elles se sont concrétisées et enregistrées dans des documents qui peuvent appartenir à plusieurs générations.  L’on étudie alors, eu égard à l’individu, que ce soit à une ou plusieurs lignées générationnelles, les moments de renforcement ou de disparition de la répétition et l’insertion casuelle de nouveaux essais.  L’étude réitérée de la donnée répétitive maintenue par le trauma et par la fixation, ne produira pas un affaiblissement progressif jusqu’à ce qu’il soit possible que se renforcent les démarches inédites qui peuvent conduire vers une composition du conflit.
Une étude de mémoire par conséquent !  D’autre part, Freud a créé la psychanalyse étudiant l’hystérie et affirmant que ces malades souffraient de « souvenirs » : fragments de mémoire qui se sont structurés lors de lointaines époques, écrits à l’aide de codes anachroniques qui se réactivent et cherchent à assujettir la conduite de la personne.
J’aimerais ici, exposer à travers quelques cas cliniques, des concepts que nous pourrions définir innovateurs suggérés par la micropsychanalyse.  A cause du temps qui nous est imparti je me limiterai à l’illustration de deux thèmes seulement.
Je débute avec l’hypothèse formulée par voies diverses par deux chefs de file dudit stade initiatique Fanti et Peluffo : outre les bien connues phases d’organisation de la libido, orale, anale, phallique et génitale, la micropsychanalyse introduit une phase précoce, intra-utérine définie stade initiatique.
La gestation est la phase dans laquelle le trousseau iconique de la branche maternelle et paternelle se rencontrent dans la micro enveloppe constituée par l’ovule fécondé et les deux génomes tentent de s’harmoniser.  Le processus se complique plus tard par une quatrième variable outre celles constituées par l’ovule fécondé, le génome paternel et celui maternel : l’ambiance utérine maternelle.
Dans l’une des hypothèses centrales de « Micropsychanlyse des processus de transformation » de 1973, Nicola Peluffo 2 affirme que, au niveau de l’élaboration psychique, l’état de déséquilibre somatopsychique constitué par la gestation conduirait la mère à la vision d’un vécu onirique et fantasmatique d’invasion bactérienne qui n’est rien d’autre que la représentation psychique d’un réel processus somatique : la réaction immunitaire.  De plus, dans l’enveloppe constituée par l’unité materno-fœtale, il y aurait une rencontre, un dialogue, une interaction entre les vécus psychiques de la mère, conscients, préconscients et inconscients, qui se constituent en fantasmes-stimolo qui évoquent, chez l’enfant qui va naître, l’apparition de fantasmes/réponse, présents dans leur potentialité héréditaire.  Une telle dynamique psychique, souvent caractérisée par la structuration des fantasmes d’invasion ou de phagocytements réciproques se substituerait à la place de la réponse somatique de rejet auquel il faudrait s’attendre dans une situation d’allo-greffe telle que celui de matériel génétiquement non-self (le fœtus) transplanté dans l’utérus.  Pour Silvio Fanti, le fœtus participe, dans l’enveloppe materno-fœtale à la sexuo-agressivité de la mère, établissant déjà dans l’utérus la trame de ses connexions pulsionnelles embryonnaires et les premières structures psychobiologiques.
Si Fanti, avec la formulation de l’existence du stade initiatique en fait un discours surtout énergético-iconique, Piscicelli arrive à des conclusions identiques en se maintenant sur un terrain plus traditionnel sinon plus fascinant : « Toutes les acquisitions phylogénétiques de la mère contribuent à modeler la vie et le développement somatique du fœtus.  Dans cette étroite relation le fœtus perçoit et répond aux excitations grosso modo que la mère lui adresse continuellement.  Depuis les premiers instants de la conception, jusqu’à l’œuf fécondé puis la morula, l’embryon et le fœtus possèdent une sensibilité emphatique suffisante pour enregistrer les sentiments les plus secrets de la mère.  Il est certain qu’une grande partie de la morphogenèse fœtale dépend du dialogue psychosomatique qui se tient entre la mère et le produit de la conception.
La lumière, la température, l’acidité, la forme, le  substrat nutritif, les hormones etc. promeuvent les changements plasmatiques du fœtus » 3 .
Pour illustrer le contenu de telle hypothèse, j’utiliserai du matériel tiré du travail de micropsychanalyse d’un jeune de 20 ans qui m’a consulté en proie à un délire d’omnipotence : « Je suis un des premiers musiciens du monde !  J’ai l’intention d’allonger mes membres et de devenir plus grand. Il me suffit de me concentrer pour y parvenir.  Je peux arrêter ma circulation sanguine, un de ces jours je changerai la couleur de mes yeux, etc. … »
Dans une phase précoce du traitement j’ai invité la mère du patient à se soumettre à quelques longues séances : en micropsychanalyse surtout dans des cas aussi graves, non seulement c’est possible mais c’est également souhaitable.  En effet, le matériel produit par la mère du jeune éclairera d’une manière décisive l’itinéraire thérapeutique du patient qui difficilement d’une autre manière serait près d’aboutir à une issue favorable.
La mère, parlera lors des premières séances des difficultés rencontrées par sa propre mère au cours de sa grossesse et des épisodes de violences physique et sexuelle exercées par le père et auxquels elle avait assisté directement au cours de son enfance.   Spontanément, après quelques séances la mère parvenait à parler de sa grossesse (au cours de laquelle elle attendait son fils (à présent en analyse) « Ma tragédie a commencé lorsque je me retrouvai enceinte de cet enfant.  Il y avait une incompatibilité entre le fœtus et mon système neurovégétatif (sic).
Je prenais des tranquillisants malgré le fait que j’étais parfaitement consciente du danger qu’ils représentaient pour mon fils.  Je ne mangeais que des pêches et buvais de l’eau.  J’avais maigri ; à un moment donné les médecins me dirent qu’un avortement aurait été préférable !  De plus à cette époque il y avait le scandale de la thalidomide, les enfants naissaient sans membres, mon abdomen avait énormément grossi et touchait mes seins, il était énorme cet enfant !  Il avait des mains et des pieds plus grands que la normale.  La première chose que j’ai demandé à l’accoucheur lorsque l’enfant est né : « Est-il normal » ?  Je voulais dire : a-t-il des mains et des pieds ?  Peu m’importe s’il est beau, si c’est un garçon ou une fille.  A-t-il des mains et des pieds mon fils ? »
La première chose qu’il est possible de dire en présence de ce matériel est que le témoin (en sport le témoin est ce petit bâton que les coureurs de relais utilisent lors de la course) de la compulsion de répétition se passe de génération en génération.  La nécessité d’éviter, ou pour le moins d’espacer les grossesses existait déjà pour la grand’mère de l’analysé qui avait retardé le moment de la première gestation du fait d’un traitement à base d’antibiotique prescrit par le médecin.  Même la mère de l’analysé, durant une certaine période avait dû éviter une grossesse et lorsque malgré tout, finalement elle se retrouva enceinte elle vivra dans son profond inconscient la gestation comme une agression de la part d’un être qui grandit à l’intérieur de son corps, qui lui lacère le bassin (retenu scoliotique), un vagin (retenu infantile) et qui conduira à l’ablation de  ses organes reproductifs.  Il est évident que l’angoissant désir/crainte d’avoir à l’intérieur de son corps un fœtus/fétiche remanié ou malformé à qui il pouvait manquer des membres donc plus petit qu’un fœtus normal, moins invasif, atténuait le vécu d’invasion qui la dominait.  Jusque là la mère !  Mais quelles répercussions psychiques cette activation de fantasmes originaires dans l’enveloppe gestationnelle, a pu avoir sur la psyché de l’enfant qui devait naître ?
La première considération qu’il est possible de faire est que le noyau central du délire du jeune représente une tentative omnipotente et magique d’auto-restructuration somatique, de remodelage corporel.  En particulier l’attention délirante s’arrête juste sur les parties du corps principalement investies par les fantaisies maternelles : les membres et la stature (le jeune mesure 1m 85).  En d’autres termes, la patiente élabore d’une manière délirante le désir inconscient de pouvoir contrôler et transformer rétroactivement le propre développement fœtal, événement traumatique qu’elle tente de modifier à travers l’illusion magique de la compulsion de répétition.  Au cours d’une séance suivante, le jeune reprend l’argument de « l’arrêt de la circulation sanguine » expliquant qu’il s’agit d’une exigence défensive « Je dois lancer un défi à un Maître du Kung-Fu : je trouverai mon salut en recueillant mon sang sous une aisselle pour le protéger et devenir de ce fait invulnérable » ;  le jeune entend se défendre de l’agresseur en le maintenant éloigné de son sang, comment ne pas considérer que le majeur échange biologique et génétique entre la mère et le fils advint entre les chambres intervillaires placentaires au moyen du sang ? »
Ainsi que cela se produit souvent pourtant, les faits qui nourrissent des situations de haute pathologie sombrent dans la phylogenèse.  Durant le travail de recherche généalogique, le jeune remarqua aussi bien dans la branche maternelle que dans celle paternelle une haute incidence de parties dystociques.  Nous pouvons supposer que le fait de la répétition, au cours des diverses générations, de situations hautement traumatiques connexes au développement et à l’issue de la grossesse, ait déterminé la constitution d’un schéma génétique dystocique ou si l’on préfère de l’accouchement mortel qui lie l’angoisse accumulée pour se répéter dans les événements traumatiques de ce groupe familial, mais en même temps persécutent les femmes enceintes et les enfants qui vont naître.  Une facette iconique qui pénètre dans le trousseau iconique comme mécanisme de lien héréditaire, qui se représente de génération en génération, de grossesse en grossesse, influençant en présence d’une situation de renforcement ontogénétique, la structuration psychosomatique de la tentative ontogénétique.
Ainsi que nous l’avons vu et c’est justement de ce domaine que je me suis occupé principalement ces dernières années, le conditionnement phylogénétique des possibilités de tentative de l’individu a un poids prépondérant dans son destin.
Ce concept n’est pas une nouveauté.  Pour Freud il existe de nombreuses preuves  de ce que lui définit « hérédité archaïque », c’est-à-dire des éléments psychiques de provenance phylogénétique : la généralité du symbolisme linguistique qui survole les différences linguistiques et qui est le même chez toutes les populations est une de celles-là ; de même l’universalité du langage artistique, comme l’a démontré le Professeur Emmanuel Anati, paléontologue 4 .
Une autre preuve de l’existence d’éléments psychiques de provenance phylogénétique découle de l’étude des traumas infantiles.  Ainsi que le rappelle Freud « Si nous étudions les réactions aux traumas du petit enfant nous sommes surpris de constater que ces derniers ne s’en tiennent pas à l’expérience effective individuelle mais s’éloignent au contraire d’une manière qui s’adapte mieux au modèle d’un événement phylogénétique et qui d’une manière générale s’explique seulement à travers son
influx » 5 .
Ce que veut dire Freud est relativement simple : il y a des milliers d’années que l’on ne pratique plus la castration réelle des enfants comme, selon l’hypothèse de Darwin, l’on pratiquait au sein de la horde primitive, et pourtant les résidus inconscients qui affleurent chez les individus de toutes les races, cultures et croyances religieuses sont justement ceux d’un vécu authentique de castration.
Mais Freud va plus loin et affirme «l’évidence du matériel duquel je me targue est selon moi suffisante pour me permettre de risquer encore un pas et avancer la thèse que l’hérédité archaïque des hommes ne concerne pas seulement des prédispositions mais également les contenus, traces mnésiques de ce qui fut vécu par des générations précédentes.  Après réflexion, je dois confesser que depuis un certain je me suis comporté comme si l’hérédité de traces mnésiques des expériences de nos ancêtres, indépendamment de la communication directe et de l’influx qu’exerce l’éducation à travers l’exemple, était hors sujet »6 .
Je conclurai mon exposé cherchant à illustrer pourquoi, l’étude de l’ontogenèse ne suffit plus au psychanalyste et pourquoi il s’adresse toujours plus souvent (dans le cas de celui de l’école micropsychanalytique), à la phylogenèse.
Cet intérêt est justifié par le fait qu’existent, dans chacun de nous, des îles de software anachroniques desquelles nous avons perdu les codes afin de les déchiffrer, qui nous dictent nos comportements d’une manière autodestructive.  Ces mémoires aberrantes ont été inscrites au cours de traumatismes qui ne relèvent pas de notre génération mais de celle de nos ancêtres.
L’origine phylogénétique du malaise et la transmission à travers l’activation de facettes de l’Image contenue dans le matériel généalogique de l’individu sont évidentes dans le cas d’un jeune analysé, porteur au moment de la première observation d’une dépression anaclitique selon Spitz, due à la disparition précoce de la mère, disparition défendue partiellement par une position psychotique de déni de la perte.
Le jeune, que nous appellerons d’une manière conventionnelle M. Destato était persécuté par la présence sous une autre apparence, du fantôme de la mère ; en particulier cette dernière se présentait à lui, au cours des derniers temps, sous l’aspect d’une jeune femme de laquelle l’analysé s’était follement épris.  En d’autres termes, la grave position dépressive dans laquelle la disparition de la mère l’avait conduit aurait probablement fini par avoir raison de sa volonté de vivre si ne s’était structuré une modalité psychotique d’interprétation des données réelles qui, niant la perte lui consentaient de trouver tout de même une petite raison de vivre.  Le jeune s’était progressivement convaincu que la mère n’était pas morte mais seulement éloignée suivant sa propre volonté afin de veiller sur sa vie.
A travers un long travail analytique, M. Destato avait réussi à prendre conscience de la disparition de la mère, à en élaborer le deuil et à pouvoir établir une relation satisfaisante sur le plan sexuo-affectif avec une jeune femme, il était sorti de sa chambre à coucher dans laquelle il s’était renfermé durant près de deux ans et recommençait à s’alimenter, à prendre soin de son corps et à faire en sorte de se remettre peu à peu dans le train-train de la vie.
Après la dissolution des modalités de défense psychotiques, demeurait néanmoins une souffrance existentielle qui souvent se mêlait à un sentiment de profonde rancœur envers les hommes et le monde, à qui l’analysé ne savait ni pouvait attribuer la plus petite explication sur la base de l’histoire ontogénétique de sa vie par ailleurs minutieusement sondée.
Il ne restait plus qu’à déplacer le travail dans le champ de la recherche généalogique et sur l’analyse des rêves qui éventuellement avaient été activés à la suite de cette recherche.  M. Destato se jeta avec un enthousiasme admirable dans ce précieux travail de recherche, réussissant bien vite à reconstruire une histoire familiale qui durant de nombreuses sessions absorba toute son attention.
L’arrière grand’mère  maternelle avait eu une relation sentimentale avec un personnage haut placé et aisé de son village et au cours de cette relation elle se trouva enceinte.  Rassurée par son compagnon la grand’mère porta à terme cette grossesse mais le jour même de la naissance de la petite fille (la grand’mère de l’analysé) le jeune père s’enfuit  abandonnant la femme et l’enfant et faisant perdre à jamais ses traces.
L’arrière grand’mère de M. Destato aveuglée par la haine et par la douleur après peu de temps abandonna l’enfant issu de cette malheureuse relation, dans un orphelinat.
Cette dernière, après une vie difficile, ce que nous comprenons parfaitement, épousa un homme duquel elle eut une fille (la mère de l’analysé).  Cet  homme mourut trois ans seulement après la naissance de l’enfant – comme du reste cela se produira «  également pour la mère de l’analysé - qui mourut alors qu’il n’avait que trois ans.
Le jeune prenant progressivement conscience du fait que nombre de ses tentatives répétées convergeaient dans la reconstruction inconsciente du trauma généalogique de l’abandon (l’analysé répétait souvent : « Je dois m’efforcer de créer une histoire d’amour qui finisse d’une façon dramatique »), réussit à donner finalement une explication et un corps à la haine sans fin et jusqu’à présent absolument incompréhensible qu’il éprouve pour le monde. Il reconnaît être devenu l’acteur inconscient dans le rôle de vengeur du phylum maternel.
La tournure définitive du cas se présenta avec l’analyse d’un rêve que M. Destato résuma en séance en présentant un cadre contenant la photo de la mère, photo que durant de nombreuses années il avait jalousement placée sur sa table de chevet.  Le contenu manifeste du rêve est en synthèse le suivant : je suis sur mon lit, mon grand-père arrive il veut que je lui rende sa place.  Moi je dois aller à la radio et lui doit occuper à nouveau sa place.  Je suis au lit (puis s’adressant à moi :) vous êtes occupé avec moi lors d’une séance et vous vous trouvez à la place du cadre que j’ai apporté.  Je demande un renseignement alors que je me trouve quelque part, et trouve très étrange le fait de m’être perdu.  Finalement j’arrive à la gare, je vois une meute de chiens blancs mais moi je dois continuer ma route » (il veut dire s’éloigner de cette meute de chiens).
Voilà une petite partie du matériel associatif qui vient spontanément produit au cours d’une séance de quatre heures sur ce rêve : « c’est un peu comme si chacun devait reprendre la place qui lui revient … Chaque pion retourne à sa place.  Comme si dans ma vie se reproduisait l’agonie de ma mère, celle de son père, la haine de ma grand’mère.  Ces images me tourmentent et c’est comme si je devais mettre toutes mes forces au service de cette image.  Je le fais à tout prix pour pouvoir entrer dans cette photo ».
Je la lui agrandis au maximum de mes possibilités, la projetant avec un épiscope.  Il pleure « Depuis qu’elle ne bouge plus elle bouge en moi.  Moi j’occupais une place qui n’était pas la mienne, mon grand-père voulait que je lui rende sa place et moi j’étais occupé, moi j’avais créé ce qu’il avait créé en moi… je cherche à prendre ma place à la radio …. Puis j’arrive à la gare – (il hurle) je suis une gare ...  C’était très beau !  Je suis une gare, je suis un point final ... – non, je suis un météore qui erre dans l’espace. Je ne peux plus retourner en arrière – j’ai dépassé un mur.  Je reste planté ! »
Et voilà la transformation qui s’accomplit.  La possibilité d’élaborer un récit cohérent, inspiré de l’expérience traumatique phylogénétique, l’abrêvation  de l’affect connexe, la verbalisation explicite des buts de vendetta, d’une haine inexprimée qui ne concernait pas son existence mais vivait en lui, comme affect d’accompagnement d’une série d’images qui répétaient le drame généalogique, désamorçant le gouffre aspirant de la répétition, cet incessant tourbillon en arrière qui utilise la pulsion de mort comme force motrice et qui mobilise une énorme angoisse.  L’analysé réussit à s’actualiser, à trouver finalement la place qu’il recherchait dans l’existence alors que les images de ses ancêtres se calment et retournent dans leur sacellum.
L’étude de la donnée généalogique se référant à la découverte des caractères héréditaires ou para-héréditaires psychiques somatiques et comportementaux des analogies et des ressemblances avec les aïeux consent à l’analysé d’entrer en contact d’une manière plus intime et directe avec les propres modules psychobiologiques, vraies et propres briques constitutives des entités psychobiologiques.
L’objectif en micropsychanalyse ne peut être de toutes les façons celui d’une reconstruction fidèle et inconvertible des traumatismes transgénérationnels ; il ne serait pas toujours possible et encore moins nécessaire : le but demeure celui de trouver dans le matériel généalogique des images, unies dans l’une de leur cohésion formelle (qui peut être visible, verbale, sonore, gustative, etc.) qui décharge dans l’espace temps, d’une manière reconnaissable, le trauma : nous pourrions dire que l’on donne à l’être humain la possibilité d’édifier son propre mythe personnel.

 

Ecrit par: Quirino Zangrilli © Copyright

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NOTE:

1  Rapport officiel de mon intervention au Congrès national sur les moyens d'intervention psychothérapique : "CLINIQUE ET PSYCHOTHERAPIE : des moyens à la pratique" Cosenza, Maison de la Culture, 30-31Octobre et 1er Novembre 2002.
2  Peluffo N.: Micropsicoanalisi dei processi di trasformazione, Book's Store, Torino, 1976.
3 Piscicelli U.: Introduzione alla psicosomatica, Astrolabio, Roma, 1985.
4 Anati E.: I segni della storia, 1997, Di Renzo Editore, Roma.
5 Freud S.: L’uomo Mosè e la religione monoteistica: tre saggi, 1934-38, Opere, Vol. 11, Boringhieri, Torino, 1975.
6 Freud S.: L’uomo Mosè e la religione monoteistica: tre saggi, 1934-38, Opere, Vol. 11, Boringhieri, Torino, 1975.

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