La psychanalyse est, ainsi que le suggère létymologie du terme, une décomposition des contenus psychiques : un peu comme le le chimiste décompose les substances dans leurs composants de base utilisant diverses méthodes, le psychanalyste analyse, cest-à-dire décompose les pensées et les émotions de ses patients. La micropsychanalyse se fixe le même but, se proposant comme objectif de parvenir à une dimension denquête pourrait on dire « microscopique ».
Dans dautres sciences, lutilisation dinstruments damplification des données observables a consenti lapparition de nouvelles disciplines : le microscope électronique a permis le passage de la biologie à la microbiologie, les accélérateurs linéaires : le passage de la physique à la microphysique. Le but principal de la méthode micropsychanalytique est celui détudier le détail psychique et psychomatériel dans ses deux composantes, celle énergétique (laffect) et celle formelle (les représentations mentales).
Léquivalent du microscope du microbiologiste est pour le micropsychanalyste la prolongation du temps de séance qui passe des 50/60 minutes habituelles de la micropsychanalyse orthodoxe à une durée moyenne de 3 heures consécutives et à laugmentation de la fréquence desdites séances, qui deviennent de ce fait, pratiquement quotidiennes.
La dilatation de lobservation qui est ainsi obtenue permet létude dune donnée psychique de linconscient particulièrement profonde. Cela est possible du fait que les résistances qui sopposent à lapparition des contenus refoulés, étant de nature énergétique, ont, comme tous les phénomènes énergétiques existants en nature, un temps de décroissance : allongeant le temps dobservation, soit les résistances égoïques ou celles inconscientes saffaiblissent et favorisent lapparition de représentations et daffects qui étaient auparavant relégués dans le processus primaire de linconscient, au niveau de la conscience où ils peuvent être finalement neutralisés et intégrés au Moi.
Quelle que soit lécole à laquelle appartient le psychothérapeute, il affronte le désagrément de la recherche de données indirectes. Un désagrément qui nest pas seulement lapanage de notre catégorie mais que nous partageons avec dautres chercheurs de disciplines souvent retenues à tort, plus probantes que la psychanalyse : je me réfère, seulement dans le but de citer un exemple, aux microphysiciens.
Les chercheurs s’occupant de microphysique et se trouvant en présence de situations ou de mécanismes dont il est impossible d’analyser le détail (en microphysique à cause de l’existence du principe d’indétermination de Werner Heisemberg, ces situations représentant la plus grande partie), essaient de spécifier de la façon la plus nette possible les parties du phénomène qui peuvent être observées, (par exemple les perturbations indirectes produites dans le champ d’une collision de particules). En d’autres termes, ils concentrent leur attention sur la vérification de la donnée observable.
Le psychanalyste et le micropsychanalyste se comportent de la même manière que le microphysicien : la persistance de la donnée observable et sa vérification par divers moyens nen garantissent pas lobjectivité et rendent possible la construction dun écran dexplication simple dans lequel on cherche à neutraliser les énigmes en les substituant avec des éléments de contrôle qui constamment se représentent, exprimés à travers lutilisation de modalités techniques variées.
Le fait est que, comme tous ceux qui pratiquent une psychothérapie profonde le savent, les phénomènes nont aucune cause spécifique et unique. Ce qui se vérifie est le résultat de causes qui interagissent, se renforcent ou saffaiblissent réciproquement. Il existe toutefois des données observables qui persistent, que ce soit dun point de vue énergétique ou formel, forcées par la compulsion de répétition soit dans lontogenèse soit dans les lignées générationnelles.
La tradition détudes dans le domaine psychologico-clinique auquel fait référence la micropsychanalyse est essentiellement celle psychanalytique freudienne. Dun point de vue méthodologique, la formulation freudienne est en fait maintenue en ce qui concerne la technique de la libre association, de linterprétation du rêve et de lanalyse du transfert : de telles techniques sont intégrées aux supports spécifiques de la micropsychanalyse : recherche généalogique, étude des plans dhabitations où lanalysé a vécu, étude du matériel iconographique disponible, étude de la correspondance.
Revoyant la donnée historique dans ses multiples formes à travers les supports techniques, lanalysé et le micropsychanalyste parviennent à reconnaître les transformations de la répétition et de la manière dont elles se sont concrétisées et enregistrées dans des documents qui peuvent appartenir à plusieurs générations. Lon étudie alors, eu égard à lindividu, que ce soit à une ou plusieurs lignées générationnelles, les moments de renforcement ou de disparition de la répétition et linsertion casuelle de nouveaux essais. Létude réitérée de la donnée répétitive maintenue par le trauma et par la fixation, ne produira pas un affaiblissement progressif jusquà ce quil soit possible que se renforcent les démarches inédites qui peuvent conduire vers une composition du conflit.
Une étude de mémoire par conséquent ! Dautre part, Freud a créé la psychanalyse étudiant lhystérie et affirmant que ces malades souffraient de « souvenirs » : fragments de mémoire qui se sont structurés lors de lointaines époques, écrits à laide de codes anachroniques qui se réactivent et cherchent à assujettir la conduite de la personne.
Jaimerais ici, exposer à travers quelques cas cliniques, des concepts que nous pourrions définir innovateurs suggérés par la micropsychanalyse. A cause du temps qui nous est imparti je me limiterai à lillustration de deux thèmes seulement.
Je débute avec lhypothèse formulée par voies diverses par deux chefs de file dudit stade initiatique Fanti et Peluffo : outre les bien connues phases dorganisation de la libido, orale, anale, phallique et génitale, la micropsychanalyse introduit une phase précoce, intra-utérine définie stade initiatique.
La gestation est la phase dans laquelle le trousseau iconique de la branche maternelle et paternelle se rencontrent dans la micro enveloppe constituée par lovule fécondé et les deux génomes tentent de sharmoniser. Le processus se complique plus tard par une quatrième variable outre celles constituées par lovule fécondé, le génome paternel et celui maternel : lambiance utérine maternelle.
Dans lune des hypothèses centrales de « Micropsychanlyse des processus de transformation » de 1973, Nicola Peluffo 2 affirme que, au niveau de lélaboration psychique, létat de déséquilibre somatopsychique constitué par la gestation conduirait la mère à la vision dun vécu onirique et fantasmatique dinvasion bactérienne qui nest rien dautre que la représentation psychique dun réel processus somatique : la réaction immunitaire. De plus, dans lenveloppe constituée par lunité materno-ftale, il y aurait une rencontre, un dialogue, une interaction entre les vécus psychiques de la mère, conscients, préconscients et inconscients, qui se constituent en fantasmes-stimolo qui évoquent, chez lenfant qui va naître, lapparition de fantasmes/réponse, présents dans leur potentialité héréditaire. Une telle dynamique psychique, souvent caractérisée par la structuration des fantasmes dinvasion ou de phagocytements réciproques se substituerait à la place de la réponse somatique de rejet auquel il faudrait sattendre dans une situation dallo-greffe telle que celui de matériel génétiquement non-self (le ftus) transplanté dans lutérus. Pour Silvio Fanti, le fœtus participe, dans l’enveloppe materno-fœtale à la sexuo-agressivité de la mère, établissant déjà dans l’utérus la trame de ses connexions pulsionnelles embryonnaires et les premières structures psychobiologiques.
Si Fanti, avec la formulation de lexistence du stade initiatique en fait un discours surtout énergético-iconique, Piscicelli arrive à des conclusions identiques en se maintenant sur un terrain plus traditionnel sinon plus fascinant : « Toutes les acquisitions phylogénétiques de la mère contribuent à modeler la vie et le développement somatique du ftus. Dans cette étroite relation le ftus perçoit et répond aux excitations grosso modo que la mère lui adresse continuellement. Depuis les premiers instants de la conception, jusquà luf fécondé puis la morula, lembryon et le ftus possèdent une sensibilité emphatique suffisante pour enregistrer les sentiments les plus secrets de la mère. Il est certain quune grande partie de la morphogenèse ftale dépend du dialogue psychosomatique qui se tient entre la mère et le produit de la conception.
La lumière, la température, lacidité, la forme, le substrat nutritif, les hormones etc. promeuvent les changements plasmatiques du ftus » 3 .
Pour illustrer le contenu de telle hypothèse, jutiliserai du matériel tiré du travail de micropsychanalyse dun jeune de 20 ans qui ma consulté en proie à un délire domnipotence : « Je suis un des premiers musiciens du monde ! Jai lintention dallonger mes membres et de devenir plus grand. Il me suffit de me concentrer pour y parvenir. Je peux arrêter ma circulation sanguine, un de ces jours je changerai la couleur de mes yeux, etc.
»
Dans une phase précoce du traitement jai invité la mère du patient à se soumettre à quelques longues séances : en micropsychanalyse surtout dans des cas aussi graves, non seulement cest possible mais cest également souhaitable. En effet, le matériel produit par la mère du jeune éclairera dune manière décisive litinéraire thérapeutique du patient qui difficilement dune autre manière serait près daboutir à une issue favorable.
La mère, parlera lors des premières séances des difficultés rencontrées par sa propre mère au cours de sa grossesse et des épisodes de violences physique et sexuelle exercées par le père et auxquels elle avait assisté directement au cours de son enfance. Spontanément, après quelques séances la mère parvenait à parler de sa grossesse (au cours de laquelle elle attendait son fils (à présent en analyse) « Ma tragédie a commencé lorsque je me retrouvai enceinte de cet enfant. Il y avait une incompatibilité entre le ftus et mon système neurovégétatif (sic).
Je prenais des tranquillisants malgré le fait que jétais parfaitement consciente du danger quils représentaient pour mon fils. Je ne mangeais que des pêches et buvais de leau. Javais maigri ; à un moment donné les médecins me dirent quun avortement aurait été préférable ! De plus à cette époque il y avait le scandale de la thalidomide, les enfants naissaient sans membres, mon abdomen avait énormément grossi et touchait mes seins, il était énorme cet enfant ! Il avait des mains et des pieds plus grands que la normale. La première chose que jai demandé à laccoucheur lorsque lenfant est né : « Est-il normal » ? Je voulais dire : a-t-il des mains et des pieds ? Peu mimporte sil est beau, si cest un garçon ou une fille. A-t-il des mains et des pieds mon fils ? »
La première chose quil est possible de dire en présence de ce matériel est que le témoin (en sport le témoin est ce petit bâton que les coureurs de relais utilisent lors de la course) de la compulsion de répétition se passe de génération en génération. La nécessité déviter, ou pour le moins despacer les grossesses existait déjà pour la grandmère de lanalysé qui avait retardé le moment de la première gestation du fait dun traitement à base dantibiotique prescrit par le médecin. Même la mère de lanalysé, durant une certaine période avait dû éviter une grossesse et lorsque malgré tout, finalement elle se retrouva enceinte elle vivra dans son profond inconscient la gestation comme une agression de la part dun être qui grandit à lintérieur de son corps, qui lui lacère le bassin (retenu scoliotique), un vagin (retenu infantile) et qui conduira à lablation de ses organes reproductifs. Il est évident que langoissant désir/crainte davoir à lintérieur de son corps un ftus/fétiche remanié ou malformé à qui il pouvait manquer des membres donc plus petit quun ftus normal, moins invasif, atténuait le vécu dinvasion qui la dominait. Jusque là la mère ! Mais quelles répercussions psychiques cette activation de fantasmes originaires dans lenveloppe gestationnelle, a pu avoir sur la psyché de lenfant qui devait naître ?
La première considération quil est possible de faire est que le noyau central du délire du jeune représente une tentative omnipotente et magique dauto-restructuration somatique, de remodelage corporel. En particulier lattention délirante sarrête juste sur les parties du corps principalement investies par les fantaisies maternelles : les membres et la stature (le jeune mesure 1m 85). En dautres termes, la patiente élabore dune manière délirante le désir inconscient de pouvoir contrôler et transformer rétroactivement le propre développement ftal, événement traumatique quelle tente de modifier à travers lillusion magique de la compulsion de répétition. Au cours dune séance suivante, le jeune reprend largument de « larrêt de la circulation sanguine » expliquant quil sagit dune exigence défensive « Je dois lancer un défi à un Maître du Kung-Fu : je trouverai mon salut en recueillant mon sang sous une aisselle pour le protéger et devenir de ce fait invulnérable » ; le jeune entend se défendre de lagresseur en le maintenant éloigné de son sang, comment ne pas considérer que le majeur échange biologique et génétique entre la mère et le fils advint entre les chambres intervillaires placentaires au moyen du sang ? »
Ainsi que cela se produit souvent pourtant, les faits qui nourrissent des situations de haute pathologie sombrent dans la phylogenèse. Durant le travail de recherche généalogique, le jeune remarqua aussi bien dans la branche maternelle que dans celle paternelle une haute incidence de parties dystociques. Nous pouvons supposer que le fait de la répétition, au cours des diverses générations, de situations hautement traumatiques connexes au développement et à lissue de la grossesse, ait déterminé la constitution dun schéma génétique dystocique ou si lon préfère de laccouchement mortel qui lie langoisse accumulée pour se répéter dans les événements traumatiques de ce groupe familial, mais en même temps persécutent les femmes enceintes et les enfants qui vont naître. Une facette iconique qui pénètre dans le trousseau iconique comme mécanisme de lien héréditaire, qui se représente de génération en génération, de grossesse en grossesse, influençant en présence dune situation de renforcement ontogénétique, la structuration psychosomatique de la tentative ontogénétique.
Ainsi que nous lavons vu et cest justement de ce domaine que je me suis occupé principalement ces dernières années, le conditionnement phylogénétique des possibilités de tentative de lindividu a un poids prépondérant dans son destin.
Ce concept nest pas une nouveauté. Pour Freud il existe de nombreuses preuves de ce que lui définit « hérédité archaïque », cest-à-dire des éléments psychiques de provenance phylogénétique : la généralité du symbolisme linguistique qui survole les différences linguistiques et qui est le même chez toutes les populations est une de celles-là ; de même luniversalité du langage artistique, comme la démontré le Professeur Emmanuel Anati, paléontologue 4 .
Une autre preuve de lexistence déléments psychiques de provenance phylogénétique découle de létude des traumas infantiles. Ainsi que le rappelle Freud « Si nous étudions les réactions aux traumas du petit enfant nous sommes surpris de constater que ces derniers ne sen tiennent pas à lexpérience effective individuelle mais séloignent au contraire dune manière qui sadapte mieux au modèle dun événement phylogénétique et qui dune manière générale sexplique seulement à travers son
influx » 5 .
Ce que veut dire Freud est relativement simple : il y a des milliers dannées que lon ne pratique plus la castration réelle des enfants comme, selon lhypothèse de Darwin, lon pratiquait au sein de la horde primitive, et pourtant les résidus inconscients qui affleurent chez les individus de toutes les races, cultures et croyances religieuses sont justement ceux dun vécu authentique de castration.
Mais Freud va plus loin et affirme «lévidence du matériel duquel je me targue est selon moi suffisante pour me permettre de risquer encore un pas et avancer la thèse que lhérédité archaïque des hommes ne concerne pas seulement des prédispositions mais également les contenus, traces mnésiques de ce qui fut vécu par des générations précédentes. Après réflexion, je dois confesser que depuis un certain je me suis comporté comme si lhérédité de traces mnésiques des expériences de nos ancêtres, indépendamment de la communication directe et de linflux quexerce léducation à travers lexemple, était hors sujet »6 .
Je conclurai mon exposé cherchant à illustrer pourquoi, létude de lontogenèse ne suffit plus au psychanalyste et pourquoi il sadresse toujours plus souvent (dans le cas de celui de lécole micropsychanalytique), à la phylogenèse.
Cet intérêt est justifié par le fait quexistent, dans chacun de nous, des îles de software anachroniques desquelles nous avons perdu les codes afin de les déchiffrer, qui nous dictent nos comportements dune manière autodestructive. Ces mémoires aberrantes ont été inscrites au cours de traumatismes qui ne relèvent pas de notre génération mais de celle de nos ancêtres.
Lorigine phylogénétique du malaise et la transmission à travers lactivation de facettes de lImage contenue dans le matériel généalogique de lindividu sont évidentes dans le cas dun jeune analysé, porteur au moment de la première observation dune dépression anaclitique selon Spitz, due à la disparition précoce de la mère, disparition défendue partiellement par une position psychotique de déni de la perte.
Le jeune, que nous appellerons dune manière conventionnelle M. Destato était persécuté par la présence sous une autre apparence, du fantôme de la mère ; en particulier cette dernière se présentait à lui, au cours des derniers temps, sous laspect dune jeune femme de laquelle lanalysé sétait follement épris. En dautres termes, la grave position dépressive dans laquelle la disparition de la mère lavait conduit aurait probablement fini par avoir raison de sa volonté de vivre si ne s’était structuré une modalité psychotique dinterprétation des données réelles qui, niant la perte lui consentaient de trouver tout de même une petite raison de vivre. Le jeune s’était progressivement convaincu que la mère n’était pas morte mais seulement éloignée suivant sa propre volonté afin de veiller sur sa vie.
A travers un long travail analytique, M. Destato avait réussi à prendre conscience de la disparition de la mère, à en élaborer le deuil et à pouvoir établir une relation satisfaisante sur le plan sexuo-affectif avec une jeune femme, il était sorti de sa chambre à coucher dans laquelle il sétait renfermé durant près de deux ans et recommençait à salimenter, à prendre soin de son corps et à faire en sorte de se remettre peu à peu dans le train-train de la vie.
Après la dissolution des modalités de défense psychotiques, demeurait néanmoins une souffrance existentielle qui souvent se mêlait à un sentiment de profonde rancur envers les hommes et le monde, à qui lanalysé ne savait ni pouvait attribuer la plus petite explication sur la base de lhistoire ontogénétique de sa vie par ailleurs minutieusement sondée.
Il ne restait plus quà déplacer le travail dans le champ de la recherche généalogique et sur lanalyse des rêves qui éventuellement avaient été activés à la suite de cette recherche. M. Destato se jeta avec un enthousiasme admirable dans ce précieux travail de recherche, réussissant bien vite à reconstruire une histoire familiale qui durant de nombreuses sessions absorba toute son attention.
Larrière grandmère maternelle avait eu une relation sentimentale avec un personnage haut placé et aisé de son village et au cours de cette relation elle se trouva enceinte. Rassurée par son compagnon la grandmère porta à terme cette grossesse mais le jour même de la naissance de la petite fille (la grandmère de lanalysé) le jeune père senfuit abandonnant la femme et lenfant et faisant perdre à jamais ses traces.
Larrière grandmère de M. Destato aveuglée par la haine et par la douleur après peu de temps abandonna lenfant issu de cette malheureuse relation, dans un orphelinat.
Cette dernière, après une vie difficile, ce que nous comprenons parfaitement, épousa un homme duquel elle eut une fille (la mère de lanalysé). Cet homme mourut trois ans seulement après la naissance de lenfant comme du reste cela se produira « également pour la mère de l’analysé - qui mourut alors qu’il n’avait que trois ans.
Le jeune prenant progressivement conscience du fait que nombre de ses tentatives répétées convergeaient dans la reconstruction inconsciente du trauma généalogique de labandon (lanalysé répétait souvent : « Je dois mefforcer de créer une histoire damour qui finisse dune façon dramatique »), réussit à donner finalement une explication et un corps à la haine sans fin et jusquà présent absolument incompréhensible quil éprouve pour le monde. Il reconnaît être devenu l’acteur inconscient dans le rôle de vengeur du phylum maternel.
La tournure définitive du cas se présenta avec lanalyse dun rêve que M. Destato résuma en séance en présentant un cadre contenant la photo de la mère, photo que durant de nombreuses années il avait jalousement placée sur sa table de chevet. Le contenu manifeste du rêve est en synthèse le suivant : je suis sur mon lit, mon grand-père arrive il veut que je lui rende sa place. Moi je dois aller à la radio et lui doit occuper à nouveau sa place. Je suis au lit (puis sadressant à moi :) vous êtes occupé avec moi lors dune séance et vous vous trouvez à la place du cadre que jai apporté. Je demande un renseignement alors que je me trouve quelque part, et trouve très étrange le fait de mêtre perdu. Finalement jarrive à la gare, je vois une meute de chiens blancs mais moi je dois continuer ma route » (il veut dire s’éloigner de cette meute de chiens).
Voilà une petite partie du matériel associatif qui vient spontanément produit au cours dune séance de quatre heures sur ce rêve : « cest un peu comme si chacun devait reprendre la place qui lui revient
Chaque pion retourne à sa place. Comme si dans ma vie se reproduisait lagonie de ma mère, celle de son père, la haine de ma grandmère. Ces images me tourmentent et cest comme si je devais mettre toutes mes forces au service de cette image. Je le fais à tout prix pour pouvoir entrer dans cette photo ».
Je la lui agrandis au maximum de mes possibilités, la projetant avec un épiscope. Il pleure « Depuis quelle ne bouge plus elle bouge en moi. Moi joccupais une place qui nétait pas la mienne, mon grand-père voulait que je lui rende sa place et moi jétais occupé, moi javais créé ce quil avait créé en moi
je cherche à prendre ma place à la radio
. Puis jarrive à la gare (il hurle) je suis une gare ... Cétait très beau ! Je suis une gare, je suis un point final ... non, je suis un météore qui erre dans lespace. Je ne peux plus retourner en arrière jai dépassé un mur. Je reste planté ! »
Et voilà la transformation qui saccomplit. La possibilité délaborer un récit cohérent, inspiré de lexpérience traumatique phylogénétique, labrêvation de laffect connexe, la verbalisation explicite des buts de vendetta, dune haine inexprimée qui ne concernait pas son existence mais vivait en lui, comme affect daccompagnement dune série dimages qui répétaient le drame généalogique, désamorçant le gouffre aspirant de la répétition, cet incessant tourbillon en arrière qui utilise la pulsion de mort comme force motrice et qui mobilise une énorme angoisse. Lanalysé réussit à sactualiser, à trouver finalement la place quil recherchait dans lexistence alors que les images de ses ancêtres se calment et retournent dans leur sacellum.
Létude de la donnée généalogique se référant à la découverte des caractères héréditaires ou para-héréditaires psychiques somatiques et comportementaux des analogies et des ressemblances avec les aïeux consent à lanalysé dentrer en contact dune manière plus intime et directe avec les propres modules psychobiologiques, vraies et propres briques constitutives des entités psychobiologiques.
Lobjectif en micropsychanalyse ne peut être de toutes les façons celui dune reconstruction fidèle et inconvertible des traumatismes transgénérationnels ; il ne serait pas toujours possible et encore moins nécessaire : le but demeure celui de trouver dans le matériel généalogique des images, unies dans l’une de leur cohésion formelle (qui peut être visible, verbale, sonore, gustative, etc.) qui décharge dans l’espace temps, d’une manière reconnaissable, le trauma : nous pourrions dire que l’on donne à l’être humain la possibilité d’édifier son propre mythe personnel.
Ecrit par: Quirino
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NOTE:
1 Rapport officiel de mon intervention au Congrès national sur les moyens d'intervention psychothérapique : "CLINIQUE ET PSYCHOTHERAPIE : des moyens à la pratique" Cosenza, Maison de la Culture, 30-31Octobre et 1er Novembre 2002.
2 Peluffo N.: Micropsicoanalisi dei processi di trasformazione, Book's Store, Torino, 1976.
3 Piscicelli U.: Introduzione alla psicosomatica, Astrolabio, Roma, 1985.
4 Anati E.: I segni della storia, 1997, Di Renzo Editore, Roma.
5 Freud S.: L’uomo Mosè e la religione monoteistica: tre saggi, 1934-38, Opere, Vol. 11, Boringhieri, Torino, 1975.
6 Freud S.: L’uomo Mosè e la religione monoteistica: tre saggi, 1934-38, Opere, Vol. 11, Boringhieri, Torino, 1975.
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